à propos du commentaire d'un document, sur Primo Levi, au bac (juin 2003)
A partir d’une lecture rapide des 50 copies (sur 70, en série
S) qui « commentent » le texte de Primo Lévi,
plusieurs
indices incitent à s’interroger sur la validité intellectuelle
d’une telle évaluation.
- Voir Primo
Levi sur le site du Cercle d'étude de la déportation et
de la Shoah :
http://aphgcaen.free.fr/cercle/plevi.htm
http://aphgcaen.free.fr/cercle.htm
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en situation |
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de copie |
2 – Les extraits donnés à commenter
:
(sujet en fin de fichier ) Le titre insiste sur « l’univers concentrationnaire » (comme Nuit et Brouillard en 1956), l’extrait s’intéresse à « la pratique routinière des camps d’extermination ». Rien sur "la sélection", sur laquelle Primo Levi a écrit des pages exceptionnelles, rien sur le zyklon B (le « gaz toxique » a disparu dans la coupe du (…)). Très, trop peu d’élèves ont commenté le « là en effet, il ne s’agit plus seulement de mort » Pourtant, Birkenau, il me semblait que c’était à la fois l’extermination industrielle, et la mort lente, 2 des nombreuses méthodes utilisées par les nazis pour détruire les Juifs d’Europe. Si l’on remet ces extraits en situation dans l’ouvrage de Primo Levi, ils se situent en appendice, le premier paragraphe est la réponse à la question 4 : « Etes-vous retourné à Auschwitz ? » Le second, à la question 7 : « Comment s ‘explique la haine fanatique des nazis pour les juifs ? » Le premier extrait s'arrête juste avant cette phrase :
Le second a gommé ces phrases :
Ceux qui prendront le temps de relire la suite de la réponse
de Primo Levi à la question 7 trouveront,
Plus loin encore, après l'évocation du rôle d'Hitler, cette appréciation qui nourrit l'introduction de D Natanson dans son ouvrage sur la Shoah et internet : « Peut-être que ce qu s’est passé ne peut pas être compris, et mêmene doit pas être compris, dans la mesure où comprendre c’est presque justifier ». P Lévi écrit ensuite : « dans la haine nazie, il n’y a rien de rationnel ; c’est une haine qui n’est pas en nous, qui est étrangère à l’homme, c’est un fruit vénéneux issu de la funeste souche du fascisme »... - "étrangère à l'homme" ? quel beau sujet de débat pour des adolescents d'aujourd'hui (en ecjs ?? en philo ? pourquoi pas en histoire ? ) "Lorsqu'ils parlaient en public, Hitler et Mussolini étaient crus, applaudis, admirés, adorés comme des dieux... Les idées qu'ls proclamaient ... étaient en général aberrantes, stupides ou cruelles ; et pourtant ils furent acclamés et suivis juqu'à leur mort par des milliers de fidèles. Il faut rappeler que ces fidèles, et parmi eux les exécuteurs zélés d'ordres inhumains, n'étaient pas des bourreaux-nés, ce n'étaient pas -sauf de rares exceptions - des monstres, c'étaient des hommes quelconques..." « Il se peut qu’un nouveau fascisme »
(…) se déchaîne… « Alors, les conseils de sagesse
ne servent plus, et il faut trouver la force de résister ».
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4 – Les copies
- qq bonnes copies, remettant les extraits en perspective (le « commentaire »), justifient la fonction de cette épreuve. Elles traitent du réseau hiérarchisé en étoiles des camps, du fanatisme meurtrier des nazis. Certaines citent Mein Kampf, Wansee, le procès de Nuremberg… - un très grand nombre de copier/coller sur « les
bœufs », sur les « cueillères », sur « l’exploitation
infâme des cadavres ». Un copier coller qui fait passer le
tatouage avant le transport,
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5 - Proposition de correction établie
par Gilles Gallot :
1 – Cet extrait de « Si c’est un homme » de
Primo Levi est un témoignage d’un rescapé des camps de la
mort. Le récit de Primo Lévi, ingénieur chimiste italien
juif, est précis comme un traité scientifique, sans grandiloquence,
vrai, parce que vécu.
2 - Primo Levi décrit d'abord l'organisation de
« l’empire concentrationnaire d’Auschwitz », soumis à
des règles bien précises et hiérarchisé de
manière à mieux encadrer et dominer la population des camps.
Il en fait une description géographique, où il localise les
lieux en distinguant le camp d’Auschwitz du camp de Birkenau, camp d’extermination,
qui contenir jusqu’à 60000 prisonniers. Ce document nous informe
aussi bien sur l'organisation méthodique, "scientifique", industrielle,
de la machine à exterminer mise au point par les Nazis. Les déportés
arrivaient en convoi dans le camp. « La mort avait fait son premier
tri ». Les Nazis procédaient ensuite au tri des juifs
destinés au travail forcé et ceux qui seront immédiatement
tués dans les chambres à gaz.. Le déporté était
déshumanisé : les Nazis leur attribuaient un matricule puis
les tatouaient.Le déporté devait rapidement s’adapter aux
langues parlées, comprendre les insignes sur les vêtement,
ne pas se faire remarquer des SS ou des Kapos. L’auteur compare le sort
que font subir les Nazis aux déportés, à des
animaux (bétail, laper comme des chiens, cobaye, marqués
comme des bœufs.). Les Nazis procédaient également à
des expérimentations pseudo-médicales.
3 – Ce témoignage permet d’analyser une partie
de l’idéologie nazie, raciste et totalitaire. Les Nazis ont cultivé
la haine des Juifs, des Tziganes et des Slaves qui constituent la grande
majorité des déportés à Auschwitz.. Aux persécutions
antisémites menées depuis 1933 succède le génocide
du peuple juif. Cette extermination est réalisée au nom de
l’idéologie raciste d’Hitler qui hiérarchise les races en
plaçant la race aryenne au sommet, justifiant la domination de la
race supérieure sur les races dites inférieures (Juifs, Slaves,
Tziganes).Cette domination a pris la forme d’une extension spatiale vers
l’Est ( Lebens Raum) et d’une élimination des races inférieures
pour préserver la pureté de la race aryenne. En janvier 1942,
à la conférence de Wannsee, les hauts responsables Nazis
organisent la « Solution finale ».Au total plus de 5 millions
de Juifs et 250000 Tziganes sont exterminés par les Nazis. - Peut-on mettre Auschwitz au bac ? |
Au total, une vraie frustration.
- A la fois comme professeur, convaincu que sur ce sujet important
et sensible, nous faisons du bon travail avec les élèves,
en particulier à partir des ouvrages de Primo Levi.
- Comme correcteur : soucieux de ne pas pénaliser les élèves, mais sceptique sur le salaire de la paraphrase. Ce type d’épreuve sert-il vraiment l’intérêt
de l’histoire que nous défendons ?
DL 06/2003 |