"Dans ce block, étaient entassés, dans
des conditions effroyables, près de mille officiers évadés,
presque tous soviétiques. Soumis à de terribles brimades,
de jour et de nuit, leur nourriture réduite à des rations
de famine, ils étaient voués à une mort certaine.
C'est dans ces conditions que 400 d'entre eux, les plus forts et les moins
affaiblis, organisèrent une évasion digne de l'épopée.
Les phases chronologiques en furent les suivantes :
- Ratissage de la neige autour du block, comme d'habitude,
mais en tassant de gros tas, près du mur, sous les miradors, de
façon à faciliter l'approche des sentinelles.
- Pendant la nuit, liquidation du chef de block et es
sept assistants, tous criminels féroces, puis leurs vêtements
endossés, sortie tumultueuse dans la cours et manœuvre infernale,
comme cela se faisait couramment, avec des ordres hurlés en allemand.
- Pendant ce temps, deux groupes escaladent les monticules
de neige et aveuglent les sentinelles des miradors avec les deux extincteurs
à mousse pris dans le block.
Aussitôt, d'autres groupes jettent des couvertures
sur les fils de fer barbelés pour permettre le passage. Les deux
premiers groupes, avec des mitrailleuses prises aux SS des miradors proches
neutralisent les autres miradors, tandis que leurs camarades s'évadent.
Ils y parviennent pour le plus grand nombre. D'après
un rapport de la police criminelle de Linz (Kripo) en date du 3 février,
ils ont été 419 à franchir la limite extérieure
du camp et gagner la campagne environnante (selon Gordon J Horwitz, Mauthausen,
ville d'Autriche, Le Seuil 1992).
Les SS, un moment désorientés, ripostent
avec toute la force de répression dont ils sont encore capables.
Dès le lendemain, les occupants du block 20 qui, trop affaiblis,
n'ont pas pu participer à l'évasion sont rageusement exterminés.
Pendant
trois jours, une terrible chasse à l'homme est menée par
les SS et leurs chiens, la gendarmerie et des tueurs aux abois. La population,
y compris des enfants, est appelée par la radio à participer
à la chasse.
La plupart des évadés, mal vêtus,
pieds-nus, affamés, ne connaîtront pas longtemps la liberté
pour laquelle ils ont tentés l'exploit de l'impossible. Beaucoup
tomberont d'épuisement avant d'être repris. Les autres seront
massacrés le plus souvent sur place, isolément ou en groupes.
Mais une dizaine parviendront à retrouver finalement le chemin du
salut…"
|