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(Dominique PASCAUD - PNER - janvier 2002) Avec plus de 1300 colistiers la liste H-Français regrouperait autour de 5% des professeurs d'histoire géographie du secondaire. Les objectifs de la liste tels qu'ils apparaissent sur le message d'accueil et dans les formulations de ses éditeurs peuvent se résumer en deux points : "H-Français est un lieu d'information des enseignants" qui offre "des débats sur les "nouveautés" historiographiques et des compte-rendus d'ouvrages, de conférences, de logiciels etc.." mais c'est également "un vecteur de formation réellement continue des enseignants" qui trouvent sur la liste "des réponses à leurs problèmes pédagogiques, des exemples de séquences pédagogiques incluant les nouvelles technologies, une assistance pour mener leurs projets pédagogiques." Plusieurs
séries de données
ont été élaborées et
réunies pour approcher
les réalités de la liste et de ses usages.
D'abord avec François Jarraud, fondateur et éditeur de la liste, il s'agissait de mettre l'accent sur le point de vue du modérateur principal. Cet entretien a été complété par une série d'échanges mais aussi par l'observation, sinon l'analyse, de ses interventions sur la liste, en particulier à des moments cruciaux, ainsi que de plusieurs articles dont il était l'auteur. Nous avons aussi rencontré deux autres responsables de la liste ou de l'association qui ont accepté de répondre longuement à nos questions et aux demandes de précisions ultérieures que nous avons pu leur adresser. Nous avons réalisé des sondages dans les archives de la liste autour de quelques points saillants : naissance de la liste, débats sur la modération, échanges autour de l'épreuve d'étude de documents en géographie au baccalauréat … à cela s'ajoute l'apport d'une veille attentive et systématique sur plusieurs mois de fonctionnement. Nous avons également utilisé les synthèses thématiques des messages de la liste que l'association des Clionautes publie sur son site autour de quelques moments forts ( le 11 septembre par exemple ). Outre le site de l'association il est possible de repérer un certain nombre d'autres sites animés par des colistiers : pour quelques uns d'entre eux nous n'avons pu faire mieux qu'un survol tant la matière est riche et proliférante. Nous avons enfin construit un questionnaire détaillé qui a été centré sur les usages de la liste. Nous n'avons pas encore de résultats exploitables car des problèmes techniques ont retardé sa mise en ligne. Nous l'avons cependant testé à l'occasion de plusieurs entretiens qui ont été menés avec des colistiers dans la région lyonnaise. En tout état de cause il devrait fournir prochainement des données importantes pour éclairer l'univers d'une liste qui participe d'abord de l'univers professionnel des professeurs d'histoire géographie dont elle est souvent perçue comme le rameau le plus porteur de ferment novateur. La
présentation de ce qui
se joue avec la liste s'organisera autour de trois axes principaux :
développement,
usages, positionnement dans le champ professionnel
considéré.
Le développement de la liste La liste est née en 1996 de l'initiative individuelle de deux enseignants. Il faut donc souligner d'emblée deux caractères majeurs : la précocité, car c'est l'une des premières listes de cette nature, et l'indépendance affichée vis à vis de l'institution scolaire. Arrêtons-nous un peu sur la phase initiale, celle de la première année d'émergence sous le nom de liste Clio. C'est l'époque du bouche à oreille dans un milieu que l'un de nos interlocuteurs a qualifié de "vieux pionniers". Le succès vient de la capacité à se nourrir de nombreuses initiatives locales et à trouver des relais solidement implantés, y compris dans l' association des professeurs d'histoire géographie. Les
premiers membres de la liste
sont une poignée, d'abord 6, puis 200 un an plus tard.
Pourtant
il est frappant et remarquable
de noter la prégnance d'une autre dimension qui se constitue
autour
de préoccupations pédagogiques très
affirmées
qu'il s'agisse de mettre les élèves en
activité, par
le jeu pour les uns ( "moi c'est d'abord la pédagogie qui a
primé,
j'ai d'abord transposé en informatique ce que je faisais sur
le
papier"), par les enquêtes de terrain pour d'autres, comme F.
Jarraud
qui, sur l' ancienne liste Clio, posait cette question :
A l'issue d'une année de fonctionnement sa croissance est telle qu'il lui faut élargir son assise technique. Le choix est fait de s'affilier au réseau américain H-net, premier réseau mondial de listes de discussion en histoire. Dans l'annonce aux colistiers le 1er octobre 1997 cette option est justifiée par le progrès technique mais aussi par l'ouverture mondiale qui en résulteraient.
Un comptage sur la période qui va de fin mai 2001 à mi-janvier 2002 permet d'établir une moyenne de 11,2 messages quotidiens. Si l'on retire les mois de juillet-août on obtient 13,9 messages avec un étiage le vendredi (11,44) et une pointe le lundi (14,92). Les journées vides sont rares et à une exception concentrée sur la période d'été, tandis qu'à l'autre extrémité une seule dépasse la barre des trente messages. Sur cette même période, 5 contributeurs cumulent presque 25% des messages, 4 d'entre eux, piliers de l'association sont à l'origine de 17,8% tandis que les deux fondateurs envoient 12% du total. A côté de cette très forte concentration on rencontre une extrême dispersion avec un noyau réduit de colistiers qui participent régulièrement et pour lesquels on peut noter entre 10 et 30 messages sur les 7 mois considérés. On retiendra qu'une grande majorité de colistiers restent inertes. Le dépouillement des messages que nous avons effectué pour la même période donne une trentaine de colistiers au-dessus de 30 messages, ce qui signifie une moyenne d'au moins un message par semaine. Entre 5 et 30 messages émis, c'est à dire au moins 1 par mois, et avec une distribution très nettement inscrite dans le bas de cette fourchette, on trouve une cinquantaine de personnes. Pour le reste,160 colistiers envoient entre 1 et 5 messages et 210 autres se contentent d'un seul message. 450 colistiers ont participé, c'est à dire 1 sur trois. Telle
est l'assise apparente qui
charpente et structure la liste. Elle se matérialise dans
une association
des "Clionautes" qui s'est créée dès
le mois d'avril
1998 par regroupent des principaux acteurs de la liste. Un site
coopératif
lui sert d'outil de travail mais aussi de vitrine. On y trouve par
exemple
la mise en ligne des archives de la liste, des pages de
synthèse
thématique, un recensement des sites
gérés par des
clionautes, la présentation des projets en cours
correspondant à
des partenariats avec des éditeurs, les renvois au butinage
…
Les usages de la liste Dans l'attente du questionnaire qui donnerait la parole à la majorité silencieuse de la liste il est nécessaire de partir de ce qui est observable, c'est à dire en particulier des messages émis. Plusieurs types de regroupements
semblent
possibles pour dégager la trame des
échanges.
D'abord les informations d'ordre général, disciplinaire, professionnel ou technique qui renvoient souvent à toutes sortes de recensions qu'il s'agisse de sites, de liens, de revues de presse, de colloques ou de publications. Les 5 contributeurs principaux fournissent une bonne part des matériaux et quadrillent soigneusement et méthodiquement le terrain professionnel. Ensuite viennent les échanges qui s'installent en surplomb de l'activité au jour le jour : pour comparer les manuels dont on sait l'importance qu'ils ont dans la formation continue des enseignants, pour réagir aux programmes ou aux épreuves d'examen, pour faire face à des exigences nouvellement introduites comme les TPE ou les itinéraires de découverte, pour annoncer ou pour comparer des expériences pédagogiques locales. Les échanges mêlent ici interventions croisées des anciens, en général le noyau dur, et les occasionnels. On peut adjoindre à cet ensemble les réactions à tel ou tel événement marquant de l'actualité. Enfin des demandes ponctuelles très précises faisant appel à des connaissances expertes sur le sens à accorder à telle inscription latine, sur la formule de calcul de l'IDH, sur les avantages comparatifs d'un logiciel de gestion des notes, sur le programme de l'agrégation interne comme sur les mille et une subtilités administratives qui jalonnent la carrière d'un enseignant. C'est là que l'on rencontre le plus de messages uniques. Au
jeu des balances inégales,
il faut relever un double déséquilibre
en faveur de la
géographie contre l'histoire, en faveur du lycée
face au
collège. Ainsi cette apostrophe le 11
décembre :
Des positions très contradictoires s'affrontent, permettant à chacun de constater les "bonnes raisons" que donnent les uns et les autres pour agir autrement. Le débat se clôt le 5 décembre par une synthèse des contributions. Elle émane de l'un des fondateurs de la liste, qui apporte de surcroît, outre des informations copieuses, l'ouverture de perspectives de mutualisation sur le thème des corrections de copies en renvoyant au travail entrepris sur un site académique. A partir des effets immédiatement
observables nous voudrions formuler des hypothèses si ce
n'est des
conclusions provisoires.
La
liste garde des traces de l'activité
souterraine de plusieurs mini-projets, en partenariat avec des
éditeurs
par exemple, et pour lesquels l'association a souvent servi de vecteur.
En réalité on peut voir naître ces
groupes de projet
sur la liste mais l'essentiel des communications lui échappe
ensuite
pour s'établir en e-groupes parallèles.
L'idée
ensuite que la liste
est peut-être un lieu à travers lequel peut
s'amorcer un processus
d'apprentissage organisationnel, sans doute lent, sans doute
limité
dans son ampleur mais dont la liste Clio des origines semble fournir un
exemple.
Les
initiateurs et nombre des éléments
moteurs de la liste appartiennent de toute évidence au
courant de
la rénovation pédagogique sans pour autant se
rattacher à
aucune chapelle. Tout montre que leur ambition a d'abord
été
de construire une liste à vocation pédagogique.
Les Tice
apparaissent dans leur esprit comme un moyen de renouveler
l'enseignement
de l'histoire ou de la géographie et de favoriser en
particulier
l'activité des élèves. Pour tel
protagoniste disséquant
le rôle de l' Internet à l'école, il
s'agit par exemple
de percer "une nouvelle fenêtre dans les
établissements",
de remettre en question "l'organisation horaire, le cloisonnement des
enseignements
… et avec eux une bonne partie de nos habitudes". Tel autre
se projetant
dans l'avenir imagine que pour "les clionautes j'aimerais bien que plus
tard on nous perçoive comme le GFEN, des pédagos
de l'histoire
géo, informatique, échanges, réseau
…".
L'écart entre ce modèle et les réalités de la liste apparaît crûment dans la critique que dresse l'un de nos interlocuteurs " du fatras anti itinéraires de découverte qui passe en ce moment sur la liste" ou dans la crainte exprimée par un autre que la liste ne soit aussi "un vecteur d'expression du corporatisme et du mal être de certains". L'importance numérique des colistiers passifs de la liste, des "passagers clandestins", peut entraîner des interrogations sur la distance qui subsiste entre "une poignée d'enseignants innovants dans leur réflexion, dans leurs pratiques et dans les moyens qu'ils utilisent et une masse attentiste voire réfractaire" pour reprendre la formulation de tel formateur qui dans la même phrase rapproche colistiers passifs et comportements consuméristes trop fréquents à son gré dans ses stages de formation continue. A dire vrai, une plongée dans les archives de la liste montre que le problème est récurrent en ce qu'il intéresse d'abord des formateurs, comme le montre cet extrait du bulletin 82 de la liste Clio, dans lequel l'un des piliers des clionautes, alors intervenant Mafpen, lance un débat sur les pratiques et les usages de la formation : "Je crois animer des stages qui tournent, qui satisfont (semble-t-il) les collègues. J'ai quelques indicateurs pour affirmer ceci : les grilles d'analyse de stage, les productions effectuées, le suivi des stages … Et pourtant, pour avoir repris contact avec la plupart des équipes que j'ai rencontrées, il me semble que le réinvestissement dans la pratique courante reste faible, en tous cas assez décevant". Jusqu'à quel point peut-on reprendre ce constat pour la liste ?Le fait est que l'apprentissage à partir de la liste a d'abord été celui d'un noyau dur qui a permis un élargissement sensible au-delà des pionniers fondateurs. A ce premier cercle il faut ajouter les effets d'une imprégnation par capillarité qui, à partir de la liste, peut contribuer à irriguer de proche en proche des établissements ou les IUFM. Le projet d'une université d'été en gestation depuis un moment et dont le principe vient d'être adopté par l'association pourrait peut-être permettre d'élargir encore le noyau dur. Il s'agirait en effet d'utiliser et de renforcer l'apport du potentiel de la liste en matière de formation puisque l'on peut imaginer que la cible privilégiée d'une telle action serait à chercher, au moins en partie, du côté de la partie obscure de la liste.
Le positionnement Il faut d'abord considérer les modalités de régulation de la liste. La modération est le fait essentiel, déterminant. Le modérateur, aidé le cas échéant d'un comité éditorial est l'élément clef du dispositif H-Français. Il s'agit pour lui de trouver un équilibre forcément précaire et périlleux entre les exigences de la liberté d'expression et les objectifs initiaux de la liste. La modération est assurée
le plus souvent par l'un des fondateurs.
Sur ce point, qui va devenir la référence et la pierre angulaire de la modération et partant des échanges sur la liste, un colistier qui entrera un peu plus tard en dissidence demande aussitôt en conclusion d'un pastiche sous forme d'une déclaration à la manière du président Mao : "les contributions délirantes auront-elles leur place … ?" En fait il va s'avérer que non. "Professionnalisme et courtoisie" sont bien les deux termes d'une "convention" qui n'allait pas de soi. Bien sûr elle permet, et c'est sans doute l'essentiel, de fonder un espace de parole, une cité commune des professeurs d'histoire géographie, mais elle a un coût. La nouvelle liste a connu des dissidences qui ont surgi, au moment de sa phase de plus grande expansion, à l'occasion de contestations et de remises en cause de la modération et du modérateur. On peut résumer l'enjeu en notant que la convention fondant la nouvelle liste excluait le débat politique (c'était somme toute l'enjeu de la dissidence) et plus généralement tout prosélytisme, tout comme elle excluait le commerce. La croissance de la liste n'a été en rien affectée par cette crise. D'un côté les colistiers ont bénéficié, si l'on reprend des extraits significatifs des archives de cette période, d'un "assez bon rapport signal/bruit" par rapport au chaos d'une liste non modérée, d'un "remarquable outil professionnel et convivial", peut-être aussi de ce que peut apporter de commodité une liste unique qui fonctionne comme une place de village puisque les initiatives concurrentes doivent se résoudre à accepter un rapport de complémentarité pour rester visibles. D'un autre côté, faire cohabiter des sensibilités qui ailleurs peuvent tirer à hue et à dia, sans se satisfaire d'un consensus superficiel qui pousse au corporatisme est un pari ambitieux. En tout état de cause la modération, c'est d'abord une charge très lourde, au moins une à deux heures par jour, sept jours sur sept. Il faut trouver "comment convaincre des colistiers, persuadés que leur message est nécessaire à la vie de la liste, de le modifier ou de ne pas le passer", il faut pouvoir "endosser le rôle de censeur". Plusieurs cas sont possibles : "le ton ou le contenu du message est injurieux ou inutilement polémique; la discussion s'enlise; le message est de nature à ouvrir une polémique stérile; le message est sans rapport avec l'objet de la liste". D'un modérateur à l'autre, l'attitude, aller droit au but en cas de dérive ou dialoguer jusqu'aux limites du raisonnable, peut différer quant aux formes mais pas sur le fond. Le libre accès aux archives de la liste renforce la visibilité du fonctionnement. L'environnement d'une liste disciplinaire c'est aussi l'ensemble des relations qui sont nouées avec l'institution scolaire aux différents niveaux de la hiérarchie d'une part mais aussi avec des éléments cruciaux du champ professionnel comme par exemple les associations professionnelles disciplinaires, les revues universitaires, les éditeurs de manuels scolaires. Au sommet de l'institution scolaire l'existence de la liste, son succès, sa précocité même, l'activité de l'association ont provoqué au minimum une certaine curiosité qui a pu se traduire par des rencontres et des contacts. Aux niveaux intermédiaires de l'institution on peut constater la présence croissante de nombreux clionautes : animation de sites rectoraux, formation TICE ou formation en didactique, interlocuteur académique pour les nouvelles technologies voire directions de CRDP ou fonctions d'inspection. C'est le résultat d'une capacité d'expertise, d'une implication personnelle forte, d'un intérêt pour la formation, autant d'aspects qui tiennent d'abord et avant tout aux individus et à leur trajectoire personnelle. Par certains côtés, de par sa précocité, la liste a rempli un vide que l'institution avait laissé se créer et elle a su maintenir jusqu'à maintenant son indépendance. Les listes académiques qui se sont mises en place plus tardivement n'ont, sauf exceptions, qu'un rayonnement limité. Qui plus est, elles sont le plus souvent gérées par des colistiers. Une
récente polémique
qui a ému la liste peut faire toucher du doigt les
difficultés
de positionnement face à l'institution. A la
suite d'une critique
assez maladroite remettant en cause l'intérêt de
son site
personnel, un collègue, bien connu sur la liste, a
décidé
de le fermer.
Le poids institutionnel de nombre de ses acteurs de premier plan est un atout pour la liste et pour l'association qui bénéficient ainsi d'une mutualisation des informations, des expériences, et des réflexions de collègues actifs et impliqués. Que l'on considère leur enracinement dans le terreau de la rénovation pédagogique au quotidien, leur appartenance fréquente aux diverses strates de ce qu'il faut bien nommer l'encadrement d'un groupe professionnel, leur ouverture à d'autres démarches qui sortent du cadre disciplinaire strict (comme l'expérience du Café Pédagogique, comme les partenariats noués dans le domaine du multi média, comme les rubriques Internet et multimédia des grandes revues de géographie …) tout pousse les acteurs les plus en vue à la multi-activité.
Dominique Pascaud - PNER - 2002 PNER
- Etude : Les communautés délocalisées
d’enseignants - rapport final - H-Français
p 73 Lire également DL 2005-2019 |
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