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Dans la toile des médias
sociaux
.
L’université ET les médias sociaux,
le sujet est à la mode, et prend la suite des débats sur
le web 2.0.
3 exemples récents :
- 28 juin 2011 - Dans la toile des médias
sociaux :
nouveaux moyens de communication
et de publication pour les sciences humaines et sociales
(Institut Historique Allemand,
Paris, 27-28 juin 2011)
En naviguant sur les sites web scientifiques
on découvre de plus en plus des boutons " J’aime " ou " Partager
" qui invitent les utilisateurs à évaluer et promouvoir le
contenu du site sur Twitter, Facebook, Delicious, Mister Wong ou d’autres
médias sociaux. Faire partie d’une communauté scientifique
en ligne est devenu aussi courant qu’animer son propre blog et commenter
les articles, photos et films des autres chercheurs en ligne. Les réseaux
sociaux qui en résultent se transforment en espaces scientifiques
de communication et de publication, salués par les uns et critiqués
par les autres.
http://leo.hypotheses.org/6869
- 19 mai 2011 - Universités
et réseaux sociaux, ESEN (École supérieure
de l’éducation nationale).
- 12 mai 2011 - le magazine L’Etudiant
s’est intéressé aux « Réseaux sociaux : pourquoi
et comment les investir ? » (L’accès était
payant, mais Antonio Casilli a mis en ligne le support utilisé lors
de sa conclusion) :
http://www.liaisonsnumeriques.fr/?p=2088
L’IHA, l’ESEN, L’étudiant, ces trois journées
donnent accès à trois regards, trois points de vue
différents : celui des cadres dirigeants de l’université,
celui des historiens chercheurs, celui de étudiants. Les conceptions
et les pratiques de ces derniers mériteraient des études
approfondies.
A l'institut historique, le débat final
a été escamoté.
La conclusion précipitée a souligné
qq points :
. L'impérieuse nécessité
d'une formation pour assurer une utilisation professionnelle et raisonnée
des médias sociaux.
. La motivation est un élément
important pour développer l’implication des chercheurs.
. L'usage des différents
médias est praticulièrement chronophage pour le chercheur.
. Le rôle
clé du community manager et de l'animation du groupe des internautes.
Le numérique est souvent
vanté comme une source de rupture. L’ordinateur a la capacité
de saccager certains métiers (cf la retouche de photo citée
par Jean-Noël Lafargue dans Machines
hostiles - Le Monde diplomatique, juillet 2011).
Certains responsables voudraient
s’en servir pour réduire les dépenses en salaires et en infrastructures.
En médecine, le numérique est parfois utilisé pour
répondre à la trop forte affluence d’étudiants : cours
diffusé dans plusieurs amphis, cours à distance… Pour l’instant,
en histoire, aucune expérience équivalente n’a été
portée à la connaissance des médias.
Les enjeux sont multiples, et souvent révisités
depuis au moins une génération, avec des
logiques affrontées et contradictoires :
. Loisirs et sociabilité
ou travail intellectuel ? Le web comme force de l'écrit, ou support
de l'image numérique ?
. Traiter ou communiquer ? Les
outils numériques permettent de programmer et d’utiliser les capacités
de calcul des ordinateurs pour traiter des données massives. Ils
sont parfois seulement exploités pour communiquer et mettre en images
des discours très conventionnels.
. Courir après l’instantané
et le buzz ? Ou travailler dans la durée, archiver, amasser patiemment
et tirer parti du travail mené par nos prédécesseurs
?
. Coopération ou compétition
: les discours vantent le partage et la mutualisation, alors que la gestion
impose un univers de concurrence impitoyable et de rentabilité immédiate
(cf les postes et la cooptation).
. Logique de l’offre (la communication
institutionnelle) ? Ou prise en compte de la demande (les pratiques des
étudiants) ?
. Ouverture sur un web privé
structuré par la publicité commerciale ? Ou repli sur des
plate-formes locales ?
Sans oublier la question impossible
: le numérique apporte-t-il un avantage décisif aux enseignants
et à l'apprentissage ? Comment le démontrer ? Les marchands
et les technophiles affirment que l’ordinateur permet une écriture
collective. La réalité ne le démontre pas.
- History and Computing, Mémoire
vive, Le nouveau monde numérique - Le cas des revues universitaires,
Internet et le métier d’historien, Les historiens et leurs revues,
Athis, Les historiens et l’informatique, Can History be Open Source ? Digital
history …
L'historien et l'ordinateur,
c'est
un sujet labouré depuis au moins une génération
. Les historiens savent que cette réflexion a été
menée par les pionniers dès l’origine. Elle n’a pas attendu
l’arrivée du web 2.0, ni des médias sociaux.
Un article en forme de rétrospective
s’efforce de rappeler quelques-unes de ces étapes depuis le milieu
des années 1980 :
http://clioweb.canalblog.com/tag/historyandcomputing
- Au séminaire
de l'ESEN, les spécialistes de la communication
étaient bien plus nombreux que les historiens. La réception
de la communication institutionnelle par les étudiants semblait
être leur priorité, bien davantage que la formation intellectuelle
de leurs étudiants.
Avec une hésitation tactique
entre deux pistes possibles : prendre appui sur des plates-formes internationales,
nées au sein des universités de la côte Est des USA,
mais conçues pour générer des profits à partir
d’une publicité ciblée agressive ou bien faire développer
par les informaticiens maison des plates-formes fermées ? Ouverture
sur l’univers de la publicité ciblée, ou repli sur l’horizon
local ?
Les interventions sont en ligne
sur Canal C2,
http://www.canalc2.tv/video.asp?idvideo=10586
dont celle de Jean-Paul Pinte
(Lille), Les apprentissages à l’aune des réseaux sociaux
:
il recense les outils à exploiter, il questionne les mutations dans
l’organisation du travail et dans la formation intellectuelle.
Christine Vaufray (Thot Cursus)
juge sévèrement la frilosité des universitaires :
pourquoi
y a-t-il si peu de ressources en accès libre sur les sites web des
universités en France ? Selon elle, le web, c'est un support
sur lequel on peut publier tôt et mettre à jour souvent.
La revue de presse s’intéresse
à quelques-uns des enjeux soulevés par ces deux interventions
: incapacité à concevoir un nommage normalisé des
sites universitaires (le .edu des universitaires aux EU, rareté
des blogs d’historiens professionnels… en partie dûe à l’absence
de reconnaissance institutionnelle pour ce type d’activité.
http://clioweb.canalblog.com/archives/2011/07/05/21546864.html
http://clioweb.canalblog.com/archives/2011/07/08/21564355.html
- Dans la Toile
des médias sociaux :
Nouveaux moyens de communication
et de publication pour les sciences humaines et sociales
Programme et présentations
des interventions :
http://dhiha.hypotheses.org/
dont celle de Pierre Mounier, 27/06/2011.
Favoriser la compétition et une approche utilitariste du chercheur
- entrepreneur ou vanter la coopération et le partage des avancées
scientifiques ?
http://blog.homo-numericus.net/article10899.html
Les podcasts des interventions
devraient arriver en ligne.
Les SHS « dans la toile
des médias sociaux » ? un compte rendu d'ensemble sur Les
carnets du SID (service d'ingénierie documentaire, MSH, Lyon)
29 juillet 2011. http://sid.hypotheses.org/308
Dans un texte de synthèse
(20/07/2011) Marieke Koenig (20/07/2011) cite l’article « Schöne
virtuelle Tagungswelt », Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) 12/07/2011.
Katharina Teutsch estime que trop de présentation de projets ont
défilé lors de cette journée, au détriment
de la réflexion sur les apports réels (les meta-discours)
; elle semble douter de l’utilité des réseaux sociaux pour
la science et la recherche.
http://dhiha.hypotheses.org/310
http://www.faz.net/artikel/C31509/schoene-virtuelle-tagungswelt-30462090.html
Sur le fond, 4 éléments entendus
et repérés le 28 juin :
- Marko Demantowsky (U Bochum) semble
très sceptique sur l’intérêt de l’E-Learning
et sur le rôle du numérique dans l’apprentissage de l’histoire.
Pour lui, les applications développées par les éditeurs
(cd ou dvd) sont à la fois médiocres et trop coûteuses
pour une université.
- Peter Haber (Bâle) place
le tournant digital vers 1996, le web servant selon lui d’abord à
publier (vers 2001) puis à communiquer. Aujourd’hui, le relationnel
(Facebook) l’emporterait sur les contenus (sites web, indexation par Google).
A l’expérience, j’inverserais
plutôt la chronologie : les listes de diffusion (H-Net, H-Français)
ont occupé l’essentiel des échanges dans la décennie
1996-2006 ; la mise en ligne des revues (Persée, Cairn) a suivi,
avec le délai habituel d’environ 5 ans pour accéder gratuitement
aux articles. Les blogs ont pris le relais des sites web indépendants
/ personnels vers 2006-2008, avant l’essor des réseaux et médias
sociaux.
Il serait sans doute possible de
reprendre les titres des colloques pour nuancer cette amorce de chronologie.
Peter Haber regrettait également
l’absence
de réflexion sur les mutations imposées par le numérique
au métier d’historien.
Trois commentaires :
- Marc Bloch n’a pas écrit
Le métier d’historien au début de sa carrière d’historien.
- Les conférenciers cèdent
souvent à la mode de la table rase, comme si leurs prédécesseurs
n’avaient pas questionné les usages des outils dont ils disposaient.
- La tentation est forte d’opposer
le numérique et les outils plus traditionnels. Il serait préférable
d’insister sur la combinaison des deux approches dans le métier
d’historien au quotidien.
- André Gunthert présentait
Culture
visuelle, une plate-forme regroupant près de 100 blogs et
proposant un journal quotidien collaboratif.
Il estime que les médias
sociaux ne cannibalisent pas les blogs ; ils attirent seulement une partie
de la conversation, laissant aux blogs les échanges plus académiques.
Selon lui, la mutualisation ne
se décrète pas. L’acclimatation de la technique ne réussit
que là où les besoins sont réels, et où une
culture du partage existe au préalable. Faute de formation et de
pratique culturelle, la mutualisation et le partage peuvent n’être
que des incantations dans des discours convenus.
Dans Why blog, un article
de 2008, il propose une défense et illustration du blog au service
de la recherche universitaire, sur le modèle du séminaire.
Il analyse les ruptures suscitées par cette forme de publication.
http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2008/09/15/807-why-blog
- Le web 1.5 : Le terme a
été utilisé par Lilian Landes (Munich) à propos
des comptes rendus d’ouvrages qu’un travail participatif peut compléter
et enrichir. La liste H-France a expérimenté en 2007 des
comptes rendus multiples d’un même ouvrage par les pairs de l’auteur.
La commande semble davantage efficace que l’attente d’une éventuelle
participation spontanée.
Sur la liste H-France en 2007, 2
ouvrages ont fait l’objet de comptes rendus croisés par des pairs,
avec réponse de l’auteur.
- David Bell, The First Total War.
Napoleon's Europe and the Birth of Warfare as We Know It. Boston - London,
2007
H-France a fait lire l'ouvrage
de David Bell par 4 autres universitaires
Jeremy D. Popkin, University of
Kentucky
Annie Jourdan, University of Amsterdam
Jeremy Black, University of Exeter
Howard G. Brown, Binghamton University,
State University of New York.
David Bell répond à
leurs critiques.
https://lists.uakron.edu/sympa/arc/h-france/2007-09/thrd3.html
H-France a renouvelé la très
intéressante expérience à propos de l'ouvrage de Jean-Clément
Martin, Violence et Révolution: Essai sur la naissance d'un mythe
national. Seuil, 2006 (HF, 10/08/2007).
08/08/2007 - comptes rendus croisés
par
Lynn Hunt, University of California
Los Angeles
David Andress, University of Portsmouth
Sophie Wahnich, CNRS, Paris, Laios-EHESS
D.M.G. Sutherland, University of
Maryland
JC Martin répond à
ses collègues et lecteurs critiques
https://lists.uakron.edu/sympa/arc/h-france/2007-08/thrd2.html
A la suite de la journée
de l’IHA, Marieke Koenig cite les 588 tweets envoyés par 85 contributeurs.
http://libreas.wordpress.com/2011/07/13/twill_tweets/
De quoi ce chiffre est-il révélateur
?
D’un terrain préparé
pour une gestion par le chiffre, avec des indicateurs plus ou moins bureautiques
?
Du niveau d’équipements
des participants en ordinateurs et en téléphones portables
?
De la valeur de la prise de notes
collective et du sens de la concision ?
Un détail : 588*140 = 82
320 caractères, soit un article d’environ trente pages (lu et validé
par un comité éditorial ?).
Un épisode de 2009 incite
à
la prudence : avec un public choisi, la prise de notes et les commentaires
peuvent enrichir le contenu. Francis Pisani rapporte une situation inverse
: lors d’une intervention de Danah Boyd, les organisateurs ont projeté
les tweets rédigés dans la salle, au risque de perturber
la conférencière.
De la difficulté de parler
en public à l’heure de Twitter
http://pisani.blog.lemonde.fr/2009/12/01/de-la-difficulte-de-parler-en-public-a-lheure-de-twitter/
http://pisani.blog.lemonde.fr/?s=twitter
Un détail pédagogique
et technique : ces journées illustrent également un travers
fréquent. Les intervenants vilipendent généralement
le cours magistral. Or beaucoup se contentent de la lecture au micro d’un
texte rédigé à la virgule près, en restant
assis. D’autres projettent une présentation en powerpoint sans chercher
à exploiter les supports qu’ils ont retenu. Le technicien vidéo
hésite fréquemment entre ce qu’il doit filmer : le visage
et les mimiques du conférencier, ou le support exploité lors
de la communication ?
La quête de l’innovation suscite
souvent à une fuite en avant technologique, surtout à l’âge
de l’internet mobile. Pourtant, en France, les mutations imposées
à l’éducation tiennent moins à la technique qu’aux
choix politiques et idéologiques récents, souvent abrités
derrière la logique supposée de contraintes financières.
Au lycée, la suppression
de l’HG en Terminale S, la disparition des modules, la suppression
de la formation professionnelle en alternance ont alourdi les effectifs
et dégradé les conditions de travail. Les discours continuent
de vanter le « tout numérique », mais les effectifs
des classes ne permettent plus un usage personnalisé de l’ordinateur,
ni une réelle maîtrise des logiciels indispensables pour traiter
les données.
La formation est mal en point, aussi
bien chez les enseignants que chez les lycéens. Le stéréotype
des « digital natives » sert à créer l’illusion
les lycéens et les étudiants savent tout d’emblée
et qu’ils n’ont rien à apprendre dans ce domaine en classe ou à
l'université! Plusieurs spécialistes estiment au contraire
qu’un enseignement raisonnable de la programmation serait une étape
nécessaire dans la maîtrise des outils numériques.
A lire également :
Le métier d’historien
à l’ère numérique : nouvelles pratiques, nouvelle
épistémologie ?
Pierre Mounier - Samedi 12 mars,
entre 9h00 et 12h30, le Cléo a participé à une table
ronde de la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine (SHMC).
Commentaire de Serge Noiret. La transcription des interventions est attendue
dans la revue de la SHMC. http://leo.hypotheses.org/6192
Pierre Mounier, Qu’apportent
les digital humanities ? Quelques exemples (1/2)
http://homo-numericus.net/spip.php?breve1011
Qu’apportent les digital humanities
? Quelques exemples (2/2)
http://homo-numericus.net/spip.php?breve1012
André Gunthert, Enseigner
face à Facebook, Culture visuelle, 12 mars 2010
http://culturevisuelle.org/icones/452
Recensio.net
http://www.dhi-paris.fr/de/home/online-publikationen/recensionet.html
Plusieurs éléments de cette synthèse
ont déjà fait l'objet d'articles dans la revue de presse
:
- Jean-Paul Pinte (Lille), Les apprentissages
à l’aune des réseaux sociaux.
Les outils et leur impact sur la
formation.
http://clioweb.canalblog.com/archives/2011/07/08/21564355.html
- Christine Vaufray (Thot Cursus)
sur la frilosité des universitaires en France.
http://clioweb.canalblog.com/archives/2011/07/05/21546864.html
- Why blog ? André
Gunthert proposait en 2008 une défense et illustration du blog au
service de la recherche universitaire, et une analyse des ruptures suscitées
par cette forme de publication.
http://cleo.revues.org/174
http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2008/09/15/807-why-blog
http://clioweb.canalblog.com/archives/2011/08/17/21802945.html
- La réflexion sur L'ordinateur dans
le métier d'historien n'a pas débuté en 2011.
http://clioweb.canalblog.com/tag/historyandcomputing
Ecrire et enseigner l'histoire à l'ère
du numérique (SHMC), lors des RDV de l'histoire, Blois 2011
(Table ronde de la SHMC, le vendredi
14 octobre, 11 h 30 - 13 h, à la salle des conférences du
Château de Blois)
A suivre
DL
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