1905 : La séparation des Eglises et de l’Etat

Dossier documentaire

un commentaire de cette proposition :
http://clioweb.free.fr/dossiers/1905/1905blois.doc

    

La loi de 1905 : une loi de combat ou une loi de pacification ?
 


I - Travail préparatoire : 
1 - Dans quel contexte politique la loi de 1905 a-telle été votée ? 

2 - Quels sont les personnages représentés dans le document 1 ?
En vous appuyant sur un exemple, montrez comment cette caricature traduit une vision anticléricale ?

3 - D’après l’intervention d’Aristide Briand (document 2), quelles sont les positions des camps en présence ? En quoi la loi de 1905 marque-t-elle une avancée dans la voie de la laïcité ? (document 3)

4 - Pourquoi les inventaires ont-ils suscité des troubles dans certaines régions ? (document 4)

5 - Comparer les deux monuments de cette commune de l’Orne.
Dans quelle mesure traduisent-ils un affrontement politique ?

II - En vous appuyant sur les informations extraites des documents et sur vos connaissances personnelles, vous rédigerez une réponse organisée au sujet : "La loi de 1905, une loi de combat ou une loi de pacification ?"
 



.

Document 1 : La séparation (Lithographie représentant Emile Combes tranchant le lien entre la République et le Vatican - Musée Jean Jaurès Castres - Hatier p 156)

.

Document 2 : Aristide Briand à la Chambre des députés

Le 3 juillet, Aristide Briand, le rapporteur de la loi, conclut les débats
(la Chambre votre l’affichage de son discours).
La loi est votée par 341 députés contre 233.

M le rapporteur : Au début de la discussion générale, je disais à mes amis :

" Prenez garde! Les éléments indispensables à la constitution d'une majorité, s'ils peuvent à la rigueur s'accorder sur le principe, ne manqueront pas de différer profondément sur les modalités mêmes de la réforme. Si chacun de vous apporte la volonté systématique, arrêtée d'avance, de faire triompher ses vues particulières, ce n'est pas la peine d'entreprendre une tâche aussi difficile ; elle ne peut être menée à bien qu'au prix de concessions réciproques. Le succès de la réforme ne peut être que le résultat de transactions multiples. "

Je laissais même entendre que ces transactions devraient passer, parfois, les limites de la majorité elle-même. On m'a fait grief de certaines concessions au centre et à la droite. Messieurs, si j'avais fait de cette réforme une question d'amour-propre personnel, comme on peut y être porté quand on s'exalte devant la grandeur de sa tâche et qu'on se laisse entraîner au désir de la marquer exclusivement de son empreinte : si je n'avais eu que cette misérable préoccupation personnelle, c'était l'irrémédiable échec.

J'ai compris autrement mon devoir ; j 'ai voulu réussir dans l'accomplissement de la tâche qui m'avait été confiée. Pour cela, sans perdre de vue un seul instant les principes essentiels de la réforme qui tous ont été respectés, je n'ai pas reculé devant les concessions nécessaires. J'en ai fait aussi, chaque fois que l'équité le commandait, à la minorité elle-même, et je m'en félicite, car nos collègues du centre et de la droite, en nous permettant d'améliorer la loi, en accolant leurs signatures aux nôtres sous des articles importants, nous auront ainsi aidés puissamment à la rendre plus facilement applicable en réduisant au minimum les résistances qu'elle aurait pu susciter dans le pays. A l'heure actuelle, quel est l'homme politique qui pourrait nier sincèrement que la réforme, ainsi faite, soit d'une application facile? 
Si ceux de nos collègues qui ont combattu le principe de la séparation et se sont efforcés loyalement, et pour des raisons d'opportunité, d'en ajourner le vote, veulent bien porter sur notre œuvre un jugement selon leur conscience, ils seront bien forcés de reconnaître que nous avons fait pour le mieux.
Maintenant, Messieurs, permettez-moi de vous dire que la réalisation de cette réforme qui figure depuis trente quatre ans au premier plan du programme républicain…

M. le marquis de Pins : Le pays préférerait d'autres réformes qu'on lui a promises et qu'on ne lui donne pas.

M. le marquis de Lespinay : Les retraites ouvrières pressaient tout de même davantage.

M. le rapporteur. ... : aura pour effet désirable d'affranchir ce pays d'une véritable hantise, sous l'influence de laquelle il n'a que trop négligé tant d'autres questions importantes, d'ordre économique et social, dont le souci de sa grandeur et de sa prospérité aurait dû imposer déjà la solution.
(Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.)
Ces grands problèmes se poseront demain, dès qu'auront disparu des programmes politiques les questions irritantes qui, comme celle-ci, passionnent les esprits jusqu'à la haine et gaspillent en discordes stériles les forces les plus vives et les enthousiasmes les plus généreux de la nation.(Applaudissements à gauche.)
La réforme que nous allons voter laissera le champ libre à l'activité républicaine pour la réalisation d'autres réformes essentielles.
Mais, pour qu'il en fût ainsi, il fallait que la séparation ne donnât pas le signal des luttes confessionnelles; il fallait que la loi se montrât respectueuse de toutes les croyances et leur laissât la faculté de s'exprimer librement. Nous l'avons faite de telle sorte que l'Église ne puisse invoquer aucun prétexte pour s insurger contre le nouvel état de choses qui va se substituer au régime concordataire. Elle pourra s’en accommoder ; il ne met pas en péril son existence. Mais ici, il convient de s’entendre.
Si la vie de l’Eglise dépend du maintien du Concordat, si elle est indissolublement liée au concours de l’Etat, c’est que cette vie est factice, artificielle, c’est qu’alors, en réalité, l’Eglise catholique est déjà morte.
(Réclamations à droite - Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche).

M de Gailhard-Bancel : Elle est plus vivante que vous.

M le rapporteur : Tant mieux pour elle

M Gayraud : Elle n’a pas besoin de l’Etat ; elle n’a besoin que de liberté.

M le rapporteur : Alors, Monsieur Gayraud, je ne comprends pas les interventions de vos amis et je ne parviens pas à m’expliquer davantage les paroles que vous prononciez au début de cette discussion quand vous disiez : " Vous prétendez accorder la liberté à l’Eglise et vous lui enlevez le budget des cultes ! " Si l’Eglise ne peut se passer des subsides de l’Etat, c’est que, je le répète, l’Eglise est déjà morte.

M Gayraud : Je n’ai jamais dit cela, Monsieur Briand

M le rapporteur : Si ce n’est pas votre opinion, vous devez vous tenir pour satisfait de la loi que nous avons faite. En tout cas, vous n’aurez plus le droit demain d’aller dire aux paysans, aux catholiques de France, que la majorité républicaine de cette Chambre s’est montrée à votre égard tyrannique et persécutrice, car elle vous aura généreusement accordé tout ce que raisonnablement pouvaient réclamer vos consciences : la justice et la liberté.
(Vifs applaudissements à gauche et à l’extrême gauche)

Assemblée nationale - Transcription des débats (21 mars - 3 juillet 1905) 
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/eglise-etat/sommaire.asp
 



.


 Document 3 : Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. 
 (Publiée au Journal officiel du 11 décembre 1905)

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/eglise-etat/sommaire.asp#loi

ARTICLE PREMIER. - La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.

ART. 2.- La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. [...]

ART. 4.- Dans le délai d'un an, à partir de la promulgation de la présente loi, les biens mobiliers et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires et autres établissements publics du culte seront, avec toutes les charges et obligations qui les grèvent et avec leur affectation spéciale, transférés par les représentants légaux de ces établissements aux associations qui, en se conformant aux règles d'organisation générale du culte dont elles se proposent d'assurer l'exercice, se seront légalement formées, suivant les prescriptions de l'article 19, pour l'exercice de ce culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements. [...]

ART. 12.- Les édifices qui ont été mis à la disposition de la nation et qui, en vertu de la loi du 18 germinal an X, servent à l'exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres (cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), ainsi que leur dépendances immobilières, et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été remis aux cultes, sont et demeurent propriétés de l'Etat, des départements, des communes [...]

ART. 28.- Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. [...]
 

.


Document 4 : ND de L'Epine (Evron, Mayenne)

Isabelle Dutertre Rémy Foucault - Evron, d'hier à aujourd'hui, Maury imp

.


Document 5 : Les deux monuments aux morts de Céaucé (Orne)

http://clioweb.free.fr/dossiers/monuments/ceauce.htm

1905, une sélection de ressources sur internet : http://clioweb.free.fr

DL 09/2005