Les géographes à l'aune de Vichy
Rémy Handourtzel Vichy et l'école:
1940-1944, Noêsis 1997
Claude Singer, L'échec du cours antisémite
d'Henri Labroue à la Sorbonne (1942-1944)
Jean-Pierre Chevalier, «
Éducation géographique et Révolution nationale.
Extraits p 15-16 Méthodes
actives et finalités autoritaires.
p 16 : La conjoncture politique
est donc porteuse pour la géographie, compte tenu du discrédit
que les tenants
Conclusion p 20 : Le contexte
de la guerre est doublement porteur pour la géographie.
Vichy a tenté de reformater la géo scolaire, d’imposer son idéologie du retour à la terre, son anglophobie et son antisémitisme. Dans le secondaire, les horaires de géographie sont doublés en 1943 et portés à égalité avec l’histoire (2 h + 2 h). Mais les programmes de 1943 (Les Amériques et les pôles en 2de, La France et son Empire en 1ere, la Géographie générale en « terminales » (Philo et Maths)) n’ont eu qu’un impact limité : « le temps a heureusement manqué à Vichy », l’édition des manuels n’a pas suivi, faute de papier et de finances. A la Libération, on reprend le programme de 1923 pour le primaire, le curriculum de 1938 pour le secondaire. p 11 La place importante prise par
la géographie dans les programmes de l’enseignement secondaire en
1943 semble donc résulter de la conjonction opportune du lobby des
géographes universitaires de la Sorbonne, et des orientations idéologiques
de Vichy.
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Géographes et géographie française à l'épreuve de la Seconde guerre mondiale Vendredi 30 octobre 2009 Journée d'études EHGO 2009 - Université Denis Diderot Paris VII Version en pdf de cette synthèse personnelle Photos de la journée EHGO Présentation par les organisateurs
Programme :
Après-midi : Hors des frontières
Le texte qui suit propose seulement
des notes et des impressions personnelles.
Cette journée présentée
comme exploratoire a porté principalement sur la géographie
universitaire, une discipline qui concernait en 1939 des effectifs
restreints, aussi bien du côté des enseignants que du côté
des étudiants.
La propagande de Vichy croisait en partie les thèmes de la géo classique : retour à la terre et poids de la géographie rurale, régionalisation et découpages régionaux (les " provinces "), colonisation et empire colonial. L’accent mis sur la géographie physique a pu servir d’échappatoire. Le rôle d’Emmanuel de Martonne
n’a pas été mis en position centrale : les sources sont
abondantes (archives privées, correspondances) mais encore insuffisamment
exploitées.
JP Azéma cite le travail
d’Olivier Dumoulin sur les historiens : en séparant avant
guerre l’approche scientifique et les combats militants, les historiens
se seraient donnés les moyens d’esquiver les injonctions du pouvoir.
Selon JPA, il en aurait été de même avec les géographes.
De plus, au temps de Vichy, les comportements sont marqués par l’ambiguïté
et l’ambivalence ; la continuité l’aurait emporté sur les
ruptures.
"Certes, Henri Labroue et au moins un autre professeur (l'hygiéniste René Martial) ont pu donner des cours racistes à l'Université de Paris. Mais somme toute, ni l'un ni l'autre ne sont parvenus à convaincre un public étudiant hostile et des collègues plus que réticents. D'ailleurs les cours ont été rapidement supprimés" écrit Claude Singer dans Vingtième siècle 39-1 1993. Il ajoute que l'idéologie raciste n'a pas réussi à pénétrer l'enseignement primaire et secondaire. http://tinyurl.com/vs-singer-labroue Les revues de géographie
ont
continué à paraître après 1940. Laurent Beaugitte
a exploité les archives de six d’entre elles, dont la Revue de Géo
alpine (Raoul Blanchard) et la Revue de Géo des Pyrénées
et du Sud-Ouest (D Faucher).
Le parcours de Lucien Gachon
est
un des cas de dérive présenté par Marie-Vic Ozouf
Marignier : cet instituteur et militant SFIO, proche d’Henri Pourrat et
du régionalisme, sera un des propagandistes de Pétain (avec
lui, écrit-il, " le progrès moral est en marche "). Ce changement
de camp n’empêchera pas la poursuite d’une carrière à
l’université (à Besançon puis à Clermont).
A l’opposé, Jean Gottmann
(1915-1994) est contraint à l’exil aux Etats-Unis. Demangeon,
son maître meurt en 1940. J Gottmann obtient (difficilement) une
bourse d’un an à Princeton, avant de travailler à Baltimore
(Johns Hopkins). Il fait le choix d’une géographie humaine moins
statique, s’intéresse davantage à l’urbain et aux transports
qu’au monde rural. Il poursuit ensuite une carrière transatlantique
(à cheval sur la France et les USA). En 1961, il obtient un poste
à Oxford (School of Geography) ; il y travaille jusqu’à sa
mort en 1994. Son travail sur la Megalopolis (1961, Mégalopolis,
The Urbanized Northeasttern Seabeoard of the United States) est un de ses
apports majeurs à la géographie. Calogero Muscarà
et Georges Roques, Jean Gottmann (FIG 2005)
Cette journée a été
l’occasion de sortir du cadre hexagonal. L’après-midi a été
consacrée aux relations entre géographes de part et d’autre
des Pyrénées : correspondance du portugais Orlando Ribeiro,
parcours ibérique de Pierre Deffontaines, rôle de Lluis Solé
Sabaris dans les premiers temps du régime franquiste… http://www.orlando-ribeiro.info/
MC Robic a souligné 3
pistes à explorer : l’expérience (la culture ?) de guerre
(le rapport à la technique, au corps, la légitimation des
conquêtes par la géopolitique allemande), la relation avec
la mondialité, la place donnée à l’organisation de
l’espace…
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Un détour sur les géographes
et Vichy grâce à un article archivé en accès
gratuit chez Persée :
L'Agrégation de géo
est créée par un décret du 28 avril 1941,
Emmanuel de Martonne a joué
un rôle majeur dans cette décision (il a fait sa thèse
de lettres sur la Valachie,
7 reçus sur 45 candidats
en 1944 (dt 1 femme)
Un immense merci à Samuel
pour la référence à André Chervel.
1821 : Michelet en lettres
L'article de Wikipedia cite aussi
Olivier Dumoulin,
Une agrégation unique et
mixte, ou 2 agrégations,
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les revues de géographie française de 1939 à 1945" http://www.cybergeo.eu/index19853.html Sur la même période,
Cybergeo a mis en ligne un article de Laurent Beauguitte
LB a mis son mémoire en ligne
: http://tinyurl.com/lb-revuesgeo-40-45
A propos des relations entre les
géographes et Vichy, LB cite JL Tissier
LB ajoute : " il manque l'équivalent
pour les géographes du travail d'Olivier Dumoulin sur les historiens"
DL 2009 |
ethnoracisme pratique et antisémitisme fielleux Patrick Weil dans "L'antisémitisme
de plume 1940-1944" dirigé par Pierre-André Taguieff.
Inusable, de sa thèse de géographe soutenue en 1932 à l'article "les Etrangers en France et le problème du racisme" (1977) en passant par un dossier sur "Les étrangers dans l'agriculture française" en 1939 "Le meilleur spécialiste de l'immigration en France publie en mars 1942 dans L'Ethnie française - revue dirigée par Georges Montandon - un article intitulé "L'immigration étrangère en France et le problème des réfugiés", dont il niera plus tard la paternité, pourtant incontestable. Il est vrai que son contenu raciste et antisémite dévoile une conception de l'immigration que l'auteur avait toujours présenté sous le voile de la "science" et de "l'humanisme". Sur l'Ethnie française, lire
Sébastien Jarnot, Une relation récurrente : science et racisme.
L'exemple de l'Ethnie française http://www.uhb.fr/sc_humaines/ceriem/cahiers.html
Son passé de Vichy ne l'a
pas empêché de tenter en vain d'imposer les quotas en 1945,
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