En mai 2008 , la publication sur
« les très suspectes photos d’Hiroshima
» dans
Le
Monde avait montré les limites de la validation
institutionnelle.
Au même moment, l’ouvrage « 1945 - Hiroshima : Les
images sources
» attendait chez l’imprimeur. Michael Lucken, historien de
l’art,
prof à l’INALCO y témoigne de
l’intérêt de l’image,
devenue une des sources majeures pour l’historien.
http://homepage.mac.com/mlucken/mlucken4/Menu17.html
Nous en soulignerons
deux apports
:
le contexte de production de ces images (près d’une
centaine sont
reproduites et commentées dans l’ouvrage) ; leur place
dans la culture
nationale japonaise.
Une centaine
d’images sont reproduites
et commentées dans le livre.
Cette page web donne
l’adresse
de quelques-unes d’entre elles, disponibles sur internet.
Le contexte de production des
images
Pour les EU, la
photographie
est une arme à part entière, au service du
bombardement
des villes de l’ennemi.
270 000
clichés ont été
pris pour la seule campagne d’Okinawa. Les reportages
prévus lors
du largage des deux bombes atomiques ont échoué :
à
Hiroshima, le rayonnement a détruit le film, à Nagasaki,
l’avion arrive après la déflagration. Par la suite,
après
le 3 septembre, une mission est mise en place au sol et produit des
milliers
de photos. Certaines de ces photos sont soumises à la censure
américaine
jusqu’en 1952.
Côté
japonais, la
censure est rigoureuse ; les photographes ont appris à
travailler
sous contrôle.
A Hiroshima,
Matsushige Yoshito,
un reporter local qui dépend aussi de l’armée est
blessé
lors de l’explosion. Cela ne l’empêche pas
d’arpenter les décombres
toute la journée. Mais il ne prend que 5 photos, de
qualité
médiocre, qui ne disent rien de l’énormité
de la catastrophe
qui vient de s’abattre sur la ville. Une des photos
représente un
groupe entourant un policier (version
NB ou version sepia)
. Par la suite, le photographe mettra en avant l’état de
choc dans
lequel il se trouvait. http://en.wikipedia.org/wiki/Yoshito_Matsushige
A Nagasaki,
l’armée
envoie quelques hommes dont l’écrivain Azuma Jun, le
photographe
Yamahata Yôsuke et le dessinateur Yamada Eiji. Il leur faut
près
de 5 heures pour parcourir 3 kilomètres.
« Les
photos de Yamahata
Yôsuke sont hors du commun. Elles sont terribles,
quasiment
indescriptibles… Difficile d’y voir autre chose que le
néant, le
néant comme négation brutale du réel ».
Certaines
sujets ont également été traités par le
dessinateur,
dont le célèbre cliché d’une
mère et de sa fillette tenant une boulette de riz. Ou une
mère allaitant un nourrisson. Là encore, une image
qui
aurait pu servir la propagande : le bombardement n’a pas
brisé le
moral du peuple japonais, un peuple déterminé et innocent.
Au total,
environ quinze personnes
ont pris des photos entre le 6 et le 17 août (2 jours
après
la reddition) ; 230 clichés ont survécu, sur
peut-être
2000 pris pendant cette courte période. Une demi-douzaine
seulement
montre explicitement des cadavres irradiés. Une partie de la
destruction
est ordonnée dans les jours qui suivent la capitulation.
Une
mère et de sa fillette tenant une boulette de riz
http://www.nnc.cubaweb.cu/paginasat/gal11.htm
Yamahata
Yôsuke
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Ces images sont
révélatrices
des évolutions de la société japonaise et de sa
culture.
Face à la
destruction, la
société fait appel à l’expérience et
aux catégories
mises en place lors des catastrophes antérieures. « L’image
passée anticipe l’image future ; l’image
présente évoque
l’image passée et la re-détermine ».
Ainsi, les
images du tremblement de 1923 à Tokyo retrouvent tout leur
intérêt,
mais sans erreur d’attribution cette fois-ci. Le quartier de
Ryôgoku,
détruit par les incendies de 1657 et 1881, par les
séismes
de 1854 et 1923 sert de modèle visuel dans la
représentation
d’un espace anéanti mais clair et structuré. Un
modèle
que les photographes utilisent pour « organiser la table rase
»,
pour montrer à l’aide d’une vision panoramique la
dévastation
d’Hiroshima, autour du « Dôme de l’explosion
atomique ».
Depuis 60 ans, la
mémoire
de la seconde guerre mondiale a profondément marqué la
société
japonaise. « Un intense travail de réduction du drame
à
des formes claires et efficaces » a servi les
musées-mémoriaux
fréquentés par les enfants des écoles. Dans la
construction
de cette mémoire, les images de cadavres n’ont pas
occupé
la place centrale. Les corps irradiés ont été
abondamment
photographiés par les scientifiques, mais ils sont rarement mis
en avant. D’autres éléments ont été
convoqués
: les horloges arrêtées, le champignon atomique (en fait
souvent
celui d’un essai au Nouveau-Mexique), la Statue pour la paix de
Nagasaki…
http://homepage.mac.com/mlucken/mlucken2/Menu15.html
(publications, article)
Michael Lucken,
l'historien de l'art
japonais, consacre un chapitre
aux « Scènes
des bombardements atomiques »,
une série de
15 tableaux réalisée
entre 1950 et 1982 par les époux Maruki et exposée
à
Higashi-Matsuyama.
Les
références picturales
sont nombreuses dans les premières œuvres, mais la
photographie
est explicitement utilisée dans les dernières (une
mère
en train d’allaiter à Nagasaki). Pour eux, l’art a
sans doute joué
un rôle de catharsis, en permettant de transposer la violence des
images conservées en mémoire.
Hiroshima Peace Memorial Museum
: http://www.pcf.city.hiroshima.jp/index_e2.html
Life Photos : http://images.google.com/hosted/life
- Hiroshima
- Nagasaki
The Manhattan project - Hiroshima
- vue
aérienne1 vue2
Life - Nagasaki
1945 : http://en.wikipedia.org/wiki/Atomic_bombings_of_Hiroshima_and_Nagasaki
1923 : http://en.wikipedia.org/wiki/1923_Great_Kant%C5%8D_earthquake
Photos from Hiroshima and Nagasaki : http://www.gensuikin.org/english/photo.html
Yosuke : http://www.exploratorium.edu/nagasaki/mainn.html
Japan
Focus
http://www.japanfocus.org/_Hayashi_Ky__ko-From_Trinity_to_Trinity/
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