"La révolution nationale"

Discours du maréchal Pétain, 11 octobre 1940

 Le désastre n’est, en réalité, que le reflet, sur le plan militaire, des faiblesses et des tares de l’ancien régime politique. Ce régime, pourtant, beaucoup d’entre vous l’aimaient. Votant tous les quatre ans, vous vous donniez l’impression d’être les citoyens libres d’un État libre. Aussi vous étonnerais-je en vous disant que, jamais, dans l’histoire de la France, l’État n’a été plus asservi qu’au cours des vingt dernières années, asservi de diverses manières, successivement et parfois simultanément, par des coalitions d’intérêts économiques et par des équipes politiques ou syndicales, prétendant fallacieusement représenter la classe ouvrière.

Il faut aujourd’hui reconstruire la France. L’ordre nouveau ne peut en aucune manière impliquer un retour même déguisé aux erreurs qui nous ont coûté si cher. On ne saurait davantage y découvrir les traits d’une sorte d’ « ordre moral » ou d’une revanche des événements de 1936. L’ordre nouveau ne peut être une imitation servile d’expériences étrangères: certaines de ces expériences ont leur sens et leur beauté, mais chaque peuple doit concevoir un régime adapté à son climat et à son génie. L’ordre nouveau est une nécessité française. Nous devrons tragiquement réaliser, dans la défaite, la révolution que dans la victoire, dans la paix, dans l’entente volontaire de peuples égaux, nous n’avons même pas su concevoir.

Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes, mais sur l’idée nécessaire de l’égalité des « chances » données à tous les Français de prouver leur aptitude à «servir». Seuls le travail et le talent redeviendront le fondement de la hiérarchie française. Aucun préjugé défavorable n’atteindra un Français du fait de ses origines sociales, à la seule condition qu’il s’intègre dans la France nouvelle et qu’il lui apporte un concours sans réserve. On ne peut faire disparaître la lutte des classes, fatale à la nation, qu’en faisant disparaître les causes qui ont formé ces classes et les ont dressées les unes contre les autres. Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire et qui constitueront les cadres nécessaires au développement du bien-être et de la dignité de tous.

Belin, Histoire, terminales 1983, p 74