La guerre d'Algérie et la chute de la IVe République Bordas, Manuel de terminale 1983 (Bouillon, Borne, Sohn, Verley)
Les débuts de la guerre d’Algérie L’insurrection algérienne Le 1er novembre 1954, le F.L.N. déclenche une insurrection, sans grands moyens d’action. Mendès France, alors président du Conseil, affirme aussitôt le caractère français de l’Algérie. Mais la nomination comme Gouverneur général de Jacques Soustelle, réputé libéral, révèle une volonté d’ouverture. Le gouvernement Edgar Faure établit l’état d’urgence en Algérie pour réduire ce que l’on considère comme une simple < rébellion ". Soustelle envisage à terme " l' intégration " des Musulmans à la France et engage quelques réformes agraires et administratives. Elles suscitent les inquiétudes des Français d’Algérie qui commencent à constituer des groupes d’autodéfense. Le 20 août 1955, une vague de terrorisme frappe le Constantinois la répression menée par l’armée, mais aussi par des groupes d’Européens, empêche l’extension de l’insurrection à toute l’Algérie. Le fossé se creuse entre les deux communautés. Soustelle devient partisan de la fermeté, cependant que des notables indigènes modérés, comme Fehrat Abbas, basculent vers le F.L.N., rendant désormais illusoire toute formule d’intégration. Les élections législatives de janvier 1956 se font pour l’essentiel sur le thème algérien. En métropole, un courant se dessine en faveur d’une paix sans faiblesse. La marge de manœuvre du nouveau président du Conseil, Guy Mollet, est donc étroite. Ses déclarations contre une guerre " sans issue ", la présence au gouvernement de Mendès France, le remplacement de Soustelle par un libéral, le général Catroux, soulèvent la colère des Français d’Algérie. Guy Mollet se rend à Alger; accueilli le 6 février 1956 par une foule hostile (" journée des tomates "), il capitule devant les exigences algéroises et remplace Catroux par un socialiste réputé autoritaire, Robert Lacoste. En même temps, il se rend compte que les réformes ne seront possibles aux yeux des Français d’Algérie qu’après écrasement du F.L.N. Il définit donc sa politique : cessez-le-feu, élections libres en Algérie, négociations. Mais le F.L.N. veut la reconnaissance préalable de l’indépendance. L’enlisement dans la guerre Convaincu qu’il faut d’abord assurer la "pacification " de l’Algérie, Guy Mollet obtient les pouvoirs spéciaux à la quasi-unanimité de l’Assemblée nationale. Un plan de réformes est élaboré. Mais surtout l’effort militaire est intensifié par l’envoi des soldats du contingent. Les opérations les plus dures sont menées par des unités spécialisées, parachutistes, Légion étrangère, qui finissent par former une véritable armée dans l’armée. La lutte contre les " rebelles " est poussée avec vigueur. A la suite d’une série d'attentats, Lacoste engage les parachutistes du général Massu dans la bataille d’Alger ", opération policière autant que militaire, qui démantèle les réseaux F.L.N. de la Casbah. L’armée procède au " quadrillage" méthodique des campagnes pour débusquer les partisans, ou fellaghas* qui se fondent dans la population. La guerre devient vite impitoyable. Des Français, mais aussi des Musulmans ralliés, appartenant à des corps auxiliaires de l’armée (les harkis) ou simplement. ne respectant pas les consignes du F.L.N., sont victimes de massacres souvent atroces. Les attentats d’Alger sont suivis de sanglantes " ratonnades " menées par des Européens et visant au hasard les indigènes. Pour obtenir des renseignements, l’armée recourt à la torture des suspects. Face à la montée de la guerre et des violences, l’opinion se divise. On trouve des partisans de la présence française en Algérie dans la plupart des courants politiques. Mais la défense de l’" Algérie française" est surtout le fait de la droite qui dénonce la " trahison" des hommes politiques Michel Debré prétend que la victoire en Algérie passe par le renversement du régime. Des manifestations, souvent organisées par des groupes d’extrême droite, parfois fascisants. comme Jeune Nation, appellent à l’extermination des < rebelles" et de leurs " complices ". En revanche, des intellectuels de gauche, chrétiens comme François Mauriac, progressistes comme Jean-Paul Sartre, engagent gent une campagne humanitaire contre la torture. Les communistes ne sont pas les seuls à réclamer la paix immédiate en Algérie. Des hebdomadaires comme l’Express, France-Observateur, des revues comme Esprit, réclament une solution négociée et libérale. Mais, aussi bien en France qu’en Algérie, ces libéraux" sont poursuivis par les autorités. Quelques-uns s’engagent même au côté du F.L.N. La guerre d’Algérie prend peu à peu une résonance internationale. Elle est évoquée à l’O.N.U. Le F.L.N., dont le siège est fixé au Caire, a le soutien des pays arabes. Ses combattants trouvent ravitaillement et refuge au Maroc et en Tunisie. L’armée n’hésite pas alors à prendre des initiatives que couvre le gouvernement français. En octobre i 956, un avion transportant du Maroc en Egypte des dirigeants du F.L.N est intercepté. En février i 958, l’aviation, évoquant un < droit de poursuite ", bombarde le village tunisien de Sakhiet. La fin de la Quatrième République Une situation politique bloquée L’affaire algérienne met en évidence les faiblesses du régime. Aucune majorité stable ne se dessine. Après la dissolution de l’Assemblée nationale par Edgar Faure, les élections du 2janvier 1956 ne tranchent pas nettement entre le centre-droit (modérés et M.R.P.) et le Front républicain, coalition de socialistes, de radicaux mendésistes et de gaullistes libéraux. Le mécontentement latent d’une partie de l’opinion explique le succès inattendu de l’" Union de défense des commerçants et artisans " de Pierre Poujade, mouvement de type corporatif attirant les petits entrepreneurs irrités par une fiscalité tracassière, mais aussi des opposants de tous bords. Le gouvernement de Guy Mollet réalise une œuvre importante indépendance du Maroc et de la Tunisie, loi-cadre " de Gaston Defferre préparant l’autonomie des colonies d’Afrique noire , signature du traité de Rome* , mesures sociales (troisième semaine de congés payés). Mais en Algérie, ce gouvernement de gauche, dont se retire Mendès France, mène la politique de la droite. Il s’engage aussi dans l’expédition de Suez*. La chute de Guy Mollet, renversé par une coalition des communistes, des modérés et de la droite, en mai 1957, ouvre une période d’instabilité. Le régime est discrédité. Le slogan poujadiste aux élections de 1956 "sortez les sortants! " témoigne d’un réveil de l’antiparlementarisme. L’extrême droite réclame un pouvoir fort. Les événements d’Algérie
précipitent l’évolution. Après l’affaire de Sakhiet,
les Anglo-Américains offrent leurs bons offices pour régler
le différend franco-tunisien : l’Assemblée les refuse, ouvrant
en avril 1958 une crise ministérielle. Après un mois de tractations,
un M.R.P, Pierre Pflimlin, est chargé de former le gouvernement
: il est partisan d’une solution libérale en Algérie.
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