A
l'IUFM de Caen, conférence de Marc Ferro sur
La
République et la colonisation
(14
décembre 2005)
L'amphi
était plein à craquer, et la fréquentation pluridisciplinaire :
dans les questions, un sociologue, un
littéraire sont intervenus.
A la
différence de la BPI, tout le monde a pu entrer, et être assis.
Marc
Ferro, un des maîtres de l'école des Annales, à pris plaisir à
égratigner, à plusieurs reprises, la commande passée par les
organisateurs de la conférence (libellé, dates recopiées des
programmes.
[ 1830, Bugeaud, le
royaume arabe, en quoi cela concerne-t-il "la" République
?]
Dans
une présentation visiblement rôdée, il a développé en 2 h 30 ce
qu'il avait effleuré en 20 mn
au colloque " Histoires
coloniales " à la BPI.
Une
histoire à 4 voix :
. celle
des colons,
. celle des colonisés
. celle des anti-colonialistes de gauche
. celle des anti-colonialistes de droite.
2
exemples, pour ne pas être trop long :
-
Les anti-colonialistes
de gauche critiquent d'abord leur Etat et ses serviteurs, mais ils
oublient souvent les colonisés.
Les
Arabes sont absents dans " Le bled ", un film de Jean
Renoir.
Pour les
anti-colonialistes de droite, la colonisation a plus coûté qu'elle
n'a rapporté. C'est peut-être vrai pour l'Etat, mais la présence
européenne a été source de profits pour certains acteurs.
-
Le regard sur les colons
requiert beaucoup de nuances et de complexité.
Certains
sont d'origine populaire : voir la répression qui suit le coup
d'état de LN Bonaparte en 1851, ceux qui ont fui l'Alsace et la
Moselle en 1871... Ils vivent en général en bonne intelligence avec
les " indigènes ".
Mais 2 barrières sont infranchissables, dans les 2 sociétés : le sexe et le pouvoir.
-
Le racisme se développe avec le
temps
(au tribunal, le
greffier : " il y a 2 témoins et . un Arabe. ").
Ce
racisme prend 2 formes
:
. une forme culturelle : pour
les occupants, le colonisé est un enfant que l'on pourra éduquer et
civiliser s'il est bien sage. (c'est la marque d'une prétention
française fréquente :
" on
plaint les peuples qui n'ont pas eu la chance de naître Français "
)
.
une forme racialiste, comme celle qui a été pratiquée en Nouvelle
Calédonie par les Français ou en Australie par les Anglais à
l'égard des Aborigènes.
-
Les colons ont été en permanence
tentés par la sécession (celle de
la Rhodésie).
Ils pensent que ce
choix politique leur permettrait de se débarrasser du contrôle de
la métropole et de mieux garder le contrôle du pays et de "
leurs Arabes ".
MF
a évoqué le statut des Juifs dans l'Afrique du nord coloniale.
Il a résumé l'attaque des "
Antillais " contre Olivier Pétré Grenouilleau.
2
rappels de vocabulaire :
. Les
colons parlent de colonisation, les colonisés et les
anti-colonialistes parlent de colonialisme.
.
Le terme de race est souvent utilisé au début du XIXeme dans le
sens de culture nationale
(la
" race française ", la " race grecque ".).
3
questions :
- L'auteur d'un
ouvrage sur " Comment on
enseigne... " a témoigné d'un
grand scepticisme sur le rôle de l'école et sur l'usage des manuels
: ils servent aux profs, mais combien d'élèves les utilisent ?
Il a passé sous silence le nouveau
programme de TS, un défaut fréquent chez ceux qui n'enseignent pas
dans ces classes.
-
A Caen comme à Paris, MF a privilégié la longue durée, par ex
pour souligner que la résistance commence dès la conquête.
Pas
de problème dans une conférence pour un public informé,
qui sait distinguer ce qui se passe en
1931 de ce que sont les enjeux de 1956.
En
classe, mener de front la vision globale de l'histoire et la
présentation d'une réalité découpée par le programme
oblige parfois à un difficile grand
écart.
-
Marc Ferro sait multiplier les exemples liés à une connaissance de
la planète. Mais l'historiographie française a souvent du mal à
sortir de l'hexagone dans un domaine où le comparatisme est
essentiel.