Clioweb
Enseigner l'Histoire avec internet
.
.
.

Portrait par L.E Garrido, 1956. 
coll part, p 97 dans Journal de route 1946-1956 -MEHN 2009

Michel de Boüard

(1909-1989) 

Michel de Boüard
Tables rondes d'histoire - Le programme
Vendredi 23 octobre 2009 9 h – 17 h
Université de Caen – Amphithéâtre Michel de Boüard

Michel de Boüard, Tables rondes d’histoire du 23 octobre 2009
une journée très riche sur un " grand caennais " d’adoption.

Quelques lignes qui n’ont nullement la prétention de concurrencer ce que permettrait la publication des actes ou la mise en ligne d’un enregistrement audio. Beaucoup a été écrit dans le Journal de l’Exposition, en mars, et repris en partie dans la page web consacrée à l’historien.

Les 2 premiers intervenants ont insisté sur le poids d’un milieu très conservateur, monarchiste et catholique traditionaliste et ultramontain : influence des grands-parents, rôle de l’Ecole des Chartes (dirigée dans les années 1920 par Maurice Prou), poids des réseaux intellectuels notamment autour de la Revue des Questions Historiques (MdB est né… à Lourdes …).

MdB garde de cette éducation une foi indéfectible mais il prend peu à peu ses distances avec cette lecture du monde. Ses premiers travaux vont d’une thèse sur " les relations franco-italiennes au temps du grand Schisme " à l’édition des actes du gouvernement révolutionnaire. Par la suite, il noue rapidement des contacts avec Marc Bloch et avec les Annales, et change ainsi peu à peu de réseaux intellectuels.

En 1940, il est nommé à Caen, à la chaire d’Histoire de la Normandie  (il a publié 2 Guillaume le Conquérant, en 1958 puis en 1984 ). Les autres profs sont Yves Béquignon (Histoire ancienne) et Henry Contamine (Histoire moderne et contemporaine). Le recteur Pierre Daure affirme sa conviction de la victoire des Alliés et René Musset est déporté pour anglophilie. Mais ce sont des exceptions dans un milieu plutôt favorable aux idées de Pétain.

A l’automne 1942, Michel de Boüard s’engage aux côtés de la Résistance communiste. Il recrute en médecine et en lettres ; il rencontre des militants étrangers à son propre univers social et culturel, des cheminots, des employés (comme Gisèle Guillemot). Son action va au-delà de sa place dans l’organigramme, il participe à la presse clandestine (aucun exemplaire du journal clandestin n’a été conservé), il agit en homme d’action. Il est arrêté le 10 décembre 1943, transféré à Compiègne, déporté dans la Sarre puis à Mauthausen. Il retrouve la liberté en avril 1945. http://www.memoresist.org/spip.php?page=oublionspas_detail&id=292

A son retour de déportation, il ouvre de très nombreux chantiers : une relecture des grands textes de l'histoire régionale (Wace), une archéologie médiévale en relation avec des chercheurs étrangers, attentive aux apports des préhistoriens, à la pratique de l'archéométrie (appui sur les méthodes issues des sciences exactes,  physico-chimiques notamment). En 1955, il créé le Centre de Recherches Archéologiques Médiévales (CRAM), puis met en place un colloque international de Castellologie à Château-Gaillard (1962). En 1975, il édite un manuel d'archéologie médiévale. Il a été le premier directeur du CRA (Centre de Recherche Archéologique) de Valbonne, une unité du CNRS qu'il a contribué à créer.
On lui doit notamment les fouilles du Hague Dike, du château de Caen, de Bonneville-sur-Touque, Portbail, Doué-la Fontaine… Ces fouilles, en particulier le chantier de Doué ont permis de former de nombreux historiens et archéologues dont Claude Lorren, Joëlle Burnouf, Christian Pilet, Jacqueline Pilet-Lemière, Annie Renoux, Elisabeth Zadora-Rio, Michel Fixot, Claire Hanusse, Anne-Marie Flambard-Héricher pour ne citer que les Caennais.

« On ne naît pas Michel de Boüard, on le devient »
Vendredi dernier, Joëlle Burnouf a interrogé les liens avec le XIXe (« la bonne doctrine ») et parlé de « refondation » à Caen. Elle a évoqué les réussites et les rendez-vous manqués. « Tu es trop sévère » a commenté Claire Hanusse, qui souligne le lien avec les méthodes des préhistoriens et l’importance donnée à l’archéométrie (cf ci-dessus).
Claude Lorren a lu le témoignage de Joseph Decaens (en sa présence), son arrivée à Caen en 1957, et sa découverte du Doyen et de l'archéologie médiévale à travers les fouilles du château de Caen.

Il se passionne en même temps pour l’ethnographie (en liaison avec GH Rivière). Il fonde la revue " Annales de Normandie " en janvier 1951. Les suppléments de la revue assurent la liaison avec les instituteurs, aussi bien pour la collecte des traces d’une société en voie de disparition que pour l’intégration de ces études dans l’enseignement. Le Musée de Normandie s’installe en 1963 dans le Logis des Gouverneurs, au château de Caen.

Son rôle de professeur et de Doyen a été évoqué, tout comme sa place dans une cité à reconstruire.

Ce résistant et déporté avait une très haute ambition pour l’histoire de la déportation (cf son article de 1954 dans la Revue d’histoire de la seconde guerre mondiale). Plusieurs faits (dont la non-publication de l’enquête sur la déportation) l’amènent à prendre une double distance, à l’égard de ses amis déportés et de leurs amicales, à l’égard du Comité d'histoire de la 2 GM.
En août 1986, dans Ouest-France, il vole au secours de Roques : il voit dans une thèse sur Gerstein un travail critique nécessaire ; il marque aussi son désaccord avec la forme utilisée par Alain Devaquet pour annuler la soutenance. Lors des questions qui suivent une conférence sur " La déportation entre l'histoire et le mythe ", pour la régionale de l’APHG, il répète qu’il aurait donné une mention TB à une thèse (de " littérature comparée " et non d’histoire). L’affaire Roques détruit dramatiquement son image publique, et les faussaires n’ont eu de cesse d’exploiter de façon abjecte et posthume  ce " soutien " aussi inattendu que partiel.

En résumé, plusieurs paradoxes :

-  Un fervent catholique recruté par la résistance communiste à l’automne 1942
- Un brillant chartiste qui est un pionnier de l’archéologie médiévale
- Un résistant et déporté qui tombe à la fin de sa vie dans les filets des négationnistes

Parmi les questions débattues ce vendredi :
- Comment évaluer son rôle au sein de l’archéologie médiévale ? Un fondateur et un pionnier intégral ? Un acteur du retour à " la bonne doctrine " du XIXe ? N’aurait-il pas négligé des pistes explorées ailleurs en Europe ?
La question du statut de l’archéologie, discipline autonome ou support au service de l’histoire divise visiblement les archéologues. Avec un constat annexe : à Caen, l’archéologie médiévale est devenue une référence en Europe ; mais l’histoire de l’art a disparu un temps …

- Le musée de Normandie, les Annales lui doivent beaucoup. 
Il a été président de la Société d'ethnologie française jusqu’à sa démission de janvier 1952, à la suite de divergences de fond sur la nature et la place de l’ethnographie (il préfère ce terme à celui d’ethnologie).

- Les débats autour de l’histoire de la déportation sont toujours très vifs et très sensibles.

En conclusion, Bertrand Hamelin, un des piliers de cette journée (il prépare une thèse sur le Doyen) a souligné 2 aspects :
- Selon lui, la place de Michel de Boüard n’est pas reconnue à sa juste valeur. La pluralité des champs ouverts, une carrière menée exclusivement en province expliquent peut-être ce déficit. L’affaire Roques n’a rien arrangé.
- Le parcours de Michel de Boüard incite à changer le regard sur la vie intellectuelle : au delà des déterminants sociologiques et des parcours-types, un homme de tempérament est pleinement capable de s’abstraire de contingences lourdes et de jouer efficacement son rôle d’acteur engagé et pluriel.


Le programme du 23 octobre 2009 

9 h: Ouverture par Mme Josette Travert, présidente de l'U de Caen Basse-Normandie.

Les débuts 
 9 h30 : Un jeune historien dans les années trente: de Rome au Caire, 
             les enjeux des débuts de la carrière (Bertrand Hamelin, doctorant, U de Caen) 
 9 h 50 : Le fils indigne ? (Olivier Dumoulin, professeur d’histoire contemporaine, U de Caen)
10 h 10 : La trajectoire politique et religieuse de Michel de Boüard avant son entrée en Résistance
            (Bertrand Hamelin)
                  Discussion

Historien en Normandie 
10 h 50 : Michel de Boüard, un regard sur l’histoire de la Normandie médiévale 
                  (Pierre Bauduin, professeur d’histoire médiévale, Université de Caen)
11 h 10 : Annales et Musée de Normandie: l’ethnographe
                 (Jean-Jacques Bertaux, directeur honoraire du Musée de Normandie) 
                  Discussion et pause

L’archéologue 
12 h : Les débuts de l’archéologie médiévale en Normandie 
           Joseph Decaëns, ancien directeur du CRAM)
12 h 20 : Michel de Boüard, entre la " bonne doctrine " et l’" archéologie moderne " 
          (Joëlle Burnouf, professeur d’archéologie médiévale, Paris I)
                  Discussion Pause pour le déjeuner

 La Seconde Guerre Mondiale
14 h 30 : Le Résistant (Jean Quellien, professeur d’histoire contemporaine, Caen)
14 h 50 : Un des premiers historiens français de la déportation et de la répression allemande
                (Thomas Fontaine, Université de Paris I-Sorbonne)
15 h 10 : Michel de Boüard et l’affaire Roques (Bertrand Hamelin)

Un homme dans la cité après 1945 (témoignages)
15 h 50 : Pour Michel de Boüard, témoignage
               (Michelle Perrot, professeur émérite d’histoire contemporaine, Paris VII )
16 h: Le Doyen Monsieur de Boüard, témoignage 
               (René Fréreux, ancien maître de conférences en philosophie, Université de Caen)

Conclusions : Comment peut-on être Michel de Boüard ? 

La table ronde sera suivie de la visite à l'Aula Magna
de l'exposition réalisée par le Musée de Normandie 
 " Michel de Boüard, un intellectuel dans son siècle ". 

DL 2009   -  http://clioweb.free.fr

-