M Alphonse Savey : L'état d'esprit était à l'attente. De nombreuses familles écoutaient la radio anglaise, malgré le danger ; il fallait faire attention, mais, à ma connaissance, personne n'a été inquiété par les Allemands sur cette écoute. Pour ma part, j'écoutais la radio de Londres, entre autres dans la cave du café des Fleurs, avec quelques amis. Le jour du débarquement, Churchill disait qu'il n'y avait aucun danger à plus de 50 km des côtes. Cela a été une petite erreur ! Le
maire de Vire s'appelait M Mesrouze,
à la suite de M Pelletier. Le sous-préfet,
c'était
M Liard, le secrétaire M. Cosnard ; le lieutenant de
gendarmerie
s'appelait (Quikeray). Heureusement, tous les gendarmes n'avaient pas
fait
les choix que lui ; certains étaient avec nous, ce qui avait
permis
à M Lempérière d'entrer dans ce corps
et d'aider le
maquis de Saint Clair.
M
Roger Donval : Avant le bombardement,
la vie était normale. A Savey : Le matin du 6, comme je m'occupais de la garde des voies, - j'avais droit à une bicyclette et à un gourdin qui ne m'a jamais servi - , j'ai ramassé plusieurs tracts, entre Courson et St Aubin des bois. (Message
urgent aux habitants de
cette ville (extraits lus par A Savey) Ces tracts ont été apportés à Vire, mais nous avions ordre de les remettre à la gendarmerie ou à la sous-préfecture ; il ne fallait pas les diffuser ; leur contenu a filtré cependant, mais le temps a manqué pour en tirer parti. Dr Coupey : Il faut parler de la Défense passive. Les Virois ne s'attendaient pas à pareil désastre. R
Donval : j'ai eu connaissance
du tract dans l'après-midi du 6, chez un voisin. Depuis
plusieurs
mois les localités de la côte recevaient ce type
de message,
sans conséquence dramatique. X
- J'ai eu connaissance du message
le lendemain, le 7.
Comment avez-vous eu
connaissance
du débarquement ? A Savey : Pas de confirmation, mais des mouvements pressants ; le matin du 6 juin, j'ai conduit mes 2 enfants à la campagne. R
Donval : Mardi matin vers 5h,
nous avons été réveillés
par l'éclatement
de plusieurs fusées tirées depuis la Porte
Horloge ; nous
avons pensé à une alerte donnée aux
troupes d'occupation
locales. A Savey : La présence des Allemands sur le beffroi était récente.
A
Savey : il y avait la Manutention
au collège Maupas actuel. La feldgendarmerie
était rue du
Calvados, Jacques
Poret : En qualité
de pompier, j'étais de permanence à l'arsenal aux
Halles
(l'actuelle MJC). Le bombardement a eu lieu vers 19h (plutôt juste après 20 h, NDLR) ; plusieurs vagues d'avions sont passés au dessus de la ville. Puis, d'un seul coup les bombes sont tombées, pas loin. Nous
sommes remontés vite,
par le bas de l'avenue de la gare, en tentant de libérer les
civils
pris sous les décombres. Une
autre vague est revenue pour
détruire complètement le centre de la ville.
J'étais
sur la maison de Rémi (Letissier), la maison de droite. Tout
brûlait,
j'étais occupé à éteindre
l'incendie. On m'a
crié de redescendre, sinon j'y serais resté
moi-même. A Savey : A 8
heures, j'étais
en train de dîner rue du Haut Chemin, en face de la rue
Delavente
; une voisine, Mme Briens comptait les avions : 12,14, 18, 20, 22. Le
sifflement
annonçait le bombardement ; j'en avais fait
l'expérience
en 1940. Les bombes sont tombées sur le centre ville, la pharmacie de M Halbout a été détruite ; tout le centre a été très touché, durement touché. J'ai emporté M Lebossé à Blon, Mlle Huard, toujours vivante, je l'ai transportée à l'hôpital, en lui faisant beaucoup de mal car j'étais seul à la porter. Comme je remontais la rue du Haut Chemin, mon secteur, un second bombardement a eu lieu ; deux énormes bombes ont fait des cratères importants, de plusieurs mètres de profondeur. J'ai été moi-même touché, j'ai eu un moment d'absence, mais j'ignore combien de temps cela a duré. R Donval : Avant le bombardement, nous bavardions avec une voisine dans la rue Foulerie. Nous avons vu les avions arriver. On les admirait presque, jusqu'au moment où on a vu les bombes se détacher. Nous sommes descendus immédiatement dans la cave ; un bombardement terrible, extraordinaire, affolant ; immédiatement après, Mme Gilles est partie retrouver sa famille. Je suis monté voir les miens ; un de mes fils, malade, avait passé une radio le matin ; on craignait une tuberculose. Dans la chambre, eux aussi regardaient les bombes. Soudain, ma femme et mes 2 fils se sont trouvés projetés au fond de la pièce. Il y avait une fumée, une poussière extraordinaire ; dans la rue, les fils électriques pendaient lamentablement, les fenêtres étaient arrachées, les volets métalliques pendaient comme s'ils avaient été arrachés par un souffle infernal. C'était dantesque. Nous
nous sommes précipités
dans la cave à Coulon, rue Chaussée. X
: Aussitôt après
ce bombardement, je suis sorti dans la rue : la gendarmerie flambait,
tout
comme les pharmacies Wolen Weber et Halbout. J'ai vu passer les 2
premiers
blessés ; ils étaient couverts d'une
poussière épaisse,
noire, gluante ; il y avait pas mal de sang . Quelques temps
après,
j'ai vu un autre blessé, que j'ai été
emmené
rue d'Aigneaux, où le docteur Coupey était en
train d'opérer. Par la suite, j'ai conduit des blessés à l'autre poste de secours, à la salle Polinière. Même atmosphère. Les médecins, les infirmières récitaient des prières. Dr Coupey : Après avoir échappé au bombardement, alors que je descendais de St Thomas, ne pouvant plus passer par la rue aux Fèvres, j'ai gagné par l'actuelle rue des Déportés, puis la rue d'Aigneaux où se trouvait mon poste de secours. J'y
ai passé toute la
nuit, assumant la besogne d'un infirmier sans lumière, sans
électricité,
ni eau ; donnant des soins
élémentaires, pratiquant des
piqûres pour atténuer les souffrances ; dans la
nuit, le souffle
des nouveaux bombardements est venu éteindre nos lampes
à
pétrole. Le lendemain, je dois citer à la reconnaissance des Virois le courage de Marcel Arnois, le garagiste de Sourdeval. Il est venu le 7 au matin, avec des camions pour se mettre à la disposition des médecins. Une formation sanitaire a été constituée à Truttemer. J Poret : André Séverin est aussi à mentionner. A
Savey : Dans la rue d'Aigneaux,
toute la famille Jean a été massacrée
; impossible
de les dégager, en dehors d'un jeune garçon.
Le
Dr Coupey cite le témoignage
du Dr Ferret à St Malo, qu'il connaissait personnellement.
Lors
d'un entretien avec Eisenhower, il l'a interrogé sur ce
point. Mais autour de la ville, dans les communes proches, les Allemands avaient mis des pancartes sur les routes secondaires. A
la piscine, cela a été
très grave. Différents
types de bombes. R
Donval : Dans la cave, j'essaie
de sortir et d'aller vers la rue du Calvados où habitait ma
belle
famille.
J Poret : on en a dégagé pas mal . A St Jean Eudes, 4 ou 5 soeurs ont été ensevelies ; les 3 pompiers les ont sauvé. Il y avait la mère à M Lagoual qui était à St Anne. Beaucoup de victimes ont été dégagées ensuite, comme le fils de M Gougeon, qui a été tué plus tard en revenant chercher des affaires. On a creusé pas mal de tombes à l'Hôtel-Dieu. Le débat continue sur les chiffres, entre les tués et les victimes ( 600 ? 1500 pour l'agglomération ?).
R
Donval part à la Besnardière.
Il voit de loin que l'incendie a détruit le quartier
où était
sa maison.
M
Bouglier-Desfontaines : il part
à Roullours, avec sa femme et ses enfants. A
Savey : J'ai pris la direction
de la Besnardière ; puis aux Etalars, où j'ai
retrouvé
de nombreux Virois. R
Donval : Les fermiers, on leur
doit une reconnaissance énorme. BD
: En ville, il y avait du pillage.
J Poret dormait à Maisoncelles. Il venait tous les matins. Il fallait déterrer les morts, mettre en place des fosses communes. Il faut rendre un grand hommage à la Défense passive, aux pompiers. R
Donval : R
Donval les rejoint ensuite, à
Paris, en vélo. Il n'en a jamais fait autant, avec un colis
volumineux
sur le A Paris, il contacte André Rault, un médecin d'origine viroise ; R Donval avait fait ses études avec les frères de ce médecin. Le fils de Roger Donval, Jean-Paul, naît le 23 août 1944, à la clinique St Pierre de Neuilly. R
Donval assiste à la libération
de Paris par les troupes de Leclerc, dont il voit un char au bout de la
rue. J Poret : Il part dans les mines de St Clair sur Halouze, où 2 à 300 réfugiés attendent le passage des Américains. Il revient à Vire à la fin du mois d'août. La famille Auvray s'est réfugiée à Magny le désert, près de la Ferté Macé. Elle y reste une dizaine de jours. Elle couche d'abord dans l'écurie, puis dans une petite maison. Les frères Janvier racontent l'odyssée de leur famille: ils survivent au bombardement, alors que 18 de leurs voisins sont tués dans les deux maisons adjacentes. Un silence de mort dans tout le quartier ; impossible de savoir s'il y avait encore des vivants.
A
Savey cite 2 cas équivalents
: Les
frères Janvier passent
par Saint-Thomas, récupèrent un camion
à bras pour
transporter leur mère blessée. Ils gagnent le
pont de Vaudry,
croisent la Kommandantur de Bayeux repliée là.
Puis craignant
le bombardement de la voie ferrée Paris-Granville, leur
père
décide d'aller à Burcy. A
Savey a vu son premier Américain
à St Georges du Rouelley.
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