Les grèves de 1936 expliquées par l'ancien ministre socialiste Paul-Boncour:
Sans nier le rôle des meneurs dans les mouvements sociaux, bons ou mauvais, il faut tenir compte de ce qu'ils comportent de spontané, réactions instinctives de la classe ouvrière devant certains événements. La victoire du Front populaire, en même temps que l'enivrement de revanche contre le 6 février 1934, dont le souvenir était resté mordant, avaient fait concevoir des espoirs d'autant plus impatients que, depuis la loi des retraites, les huit heures de Clémenceau, et la loi des assurances sociales, les gouvernements, aux prises avec les difficultés financières, l'instabilité qui en était la conséquence et qui les obligeait à vivre au jour le jour, n'avaient pu réaliser certaines des grandes améliorations sociales installées de longue date dans tant d'autres pays, y compris les pays totalitaires.
Par ailleurs, le grand patronat, qui se montra alors plutôt faible et pusillanime, avait été longtemps assez égoïste et fermé pour que des modérés, des gens de droite, sans parler bien entendu de ces courageux démocrates-chrétiens, dont l'action se confondait de plus en plus avec la nôtre, le lui aient maintes fois reproché.
Les revendications grondaient au lendemain de ce 13 mai 1936 (...) La grève pouvait servir aussi bien à soutenir une affirmation politique qu'à défendre une question de salaires ou d'heures de travail. Rien d'étonnant à ce que l'idée surgit d'en déclencher de multiples pour forcer la main à la fois au gouvernement et au patronat, Et comme, en période de chômage, les gréves sont vouées à l'échec si l'embauche subsiste, celles-ci se transformèrent vite en "grèves sur le tas". On occupa l'usine pour être sûr que les chômeurs ne viendraient pas prendre la place.
J. Paul-Boncour. Entre deux guerres.
Plon éd. Il, p 329
Bordas 1914-1945, ed 1980, p191