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Olga Wormser-Migot (1912-2002)
A paraître dans Historiens & Géographes : Olga Wormser-Migot (1912-2002) fut
une historienne pionnière dans l’étude du système
concentrationnaire. En 1940, elle est révoquée par Vichy.
En 1945, pour le Ministère des Prisonniers, Déportés
et Réfugiés, elle part en mission à Bergen-Belsen
(mai 1945) puis en Pologne (mai 1946) à la recherche des déportés
et des sources de leur histoire (Quand les Alliés ouvrirent les
portes, 1965). En 1954, aux côtés d’Henri Michel, elle participe
à la publication de Tragédie de la déportation,
une anthologie de témoignages et à l’organisation de l’exposition
« Résistance, Libération, Déportation
» au Musée pédagogique de la rue d’Ulm. L’année
suivante, elle accompagne la réalisation du film Nuit et Brouillard,
le chef d’œuvre d’Alain Resnais.
« Olga Wormser-Migot, le
chaînon manquant », « Le tombeau d’Olga », deux
chapitres la concernant introduisent et ferment Nuit et Brouillard, Un
film dans l’histoire. Sylvie Lindeperg s’en explique dans l’introduction
: « parce que le fil d’Olga m’a permis de voir autrement Nuit et
Brouillard, j’ai monté le livre au cœur de son portrait, sous le
signe d’un emboîtement des regards ».
Sylvie Lindeperg, Nuit et Brouillard,
Un
film dans l’histoire. Odile Jacob 2007
Annexes :
Olga Wormser-Migot Une historienne de la déportation Annette Wieviorka Le Monde 8 août 2002 Mort d'Olga Wormser-Migot, historienne
de la déportation
Elle est née Olga Jungelson, le 5 juillet 1912 à Nancy, de parents russes, militants mencheviks exilés avant d'adopter définitivement la France. Son oeuvre est le fruit d'une rencontre entre une formation d'historienne et les circonstances de la fin de la guerre. Fin août 1944 -- en attendant une rentrée des classes qui devait lui permettre d'enseigner de nouveau l'histoire --, Olga Wormser-Migot entre au service de l'état civil du ministère des prisonniers, déportés et réfugiés avec pour tâche la localisation et la recherche des déportés. Ces "neuf mois mortels" qui séparèrent la libération de la capitale du retour de trop rares déportés, Olga Wormser-Migot en fit le récit précis et sensible dans un ouvrage dont le titre fut emprunté au texte que Jean Cayrol composa pour le film d'Alain Resnais Nuit et Brouillard : Quand les alliés ouvrirent les portes (Laffont 1965 ; réédition Complexe 1985 sous le titre Le Retour des déportés). Pour Nuit et Brouillard, en effet, Olga Wormser-Migot avait été, avec Henri Michel, dans le cadre du Comité d'histoire de la deuxième guerre mondiale, la conseillère historique, mettant dans le désir de faire ce film "tout son enthousiasme et son lyrisme"(Alain Resnais), tout son savoir sur les déportés et sur les camps, acquis notamment dans la confection, avec Henri Michel, de l'anthologie Tragédie de la déportation, 1940-1945. Témoignages de survivants des camps de concentration allemands (Hachette, 1954). C'est elle qui écuma les divers dépôts d'archives dans toute l'Europe, acquérant ainsi une connaissance intime de cette documentation qui fut d'une grande utilité dans la rédaction de sa thèse complémentaire "Essai sur les sources de l'histoire concentrationnaire nazie 1933-1945". L'immersion dans les archives pour Nuit et Brouillard, les multiples débats lors des projections, l'amenèrent à abandonner définitivement le XVIIIe siècle et Les Femmes dans l'histoire, auxquelles elle avait consacré un premier ouvrage paru en 1952 et qu'avaient suivi les biographies de Catherine II (1955) et de Marie-Thérèse (1960). Olga Wormser-Migot mena alors à bien "avec un exceptionnel courage" (P. Sorlin) la rédaction d'une thèse d'Etat, Le Système concentrationnaire nazi. 1933-1945 (PUF, 1968), qui reste encore un ouvrage de référence. Elle espérait que cette thèse lui ouvrirait les portes de l'université. Une affirmation erronée, celle de l'inexistence de chambres à gaz dans les camps de l'Ouest, lui valut l'ire de certains déportés. Au-delà de l'erreur - "La
véritable histoire du phénomène concentrationnaire
reste encore à faire", écrivait dans une correspondance publiée
par Le Monde Serge Choumoff, assassinant définitivement l'ouvrage
dans sa totalité, ce dont Olga Wormser-Migot ne se remit jamais.
Pourtant, au-delà de l'erreur (des chambres à gaz fonctionnèrent
dans certains camps de l'Ouest, à Ravensbrück et à Mauthausen,
mais pas dans d'autres camps comme Buchenwald ou Dachau), Olga Wormser-Migot
avait vu juste - ce que les travaux d'Hilberg, entre autres, ont bien montré.
Les centres, tous situés à l'Est, destinés à
la mise à mort de masse des juifs au moyen de gaz diffèrent
des camps de concentration, établis dès 1933 par le nazisme,
qui accueillirent des catégories diverses de détenus - opposants
politiques, résistants, témoins de Jéhovah, droits
communs... - et dont la fonction n'était pas l'élimination
systématique.
Olga Wormser rejoint la nuit
Alain Resnais conserve un souvenir
ému d'Olga Wormser-Migot, rencontrée lors de la préparation
Née Olga Jungelson à
Nancy, le 5 juillet 1912, de parents russes, mencheviks exilés,
elle commence des études d'histoire et enseigne. Fin août
1944, elle entre au service de l'état civil du ministère
des Prisonniers, Déportés et Réfugiés avec
pour tâche la localisation et la recherche des déportés.
Olga Wormser collecte informations, témoignages, archives, alors
que la guerre n'est toujours pas achevée et que la plupart des déportés
survivants ne sont pas encore retournés dans leur pays. Elle tirera
de ce travail deux livres, une anthologie de témoignages sur les
camps, Tragédie de la déportation, 1940-1945. Témoignages
de survivants des camps de concentration allemands (Hachette, 1954),
et un récit du retour des déportés, Nuit et brouillard.
Quand
les alliés ouvrirent les portes (Laffont, 1965). Dès
qu'elle le peut, l'historienne fait le tour des dépôts d'archives
en Europe, collectant la documentation pour écrire sa thèse
complémentaire, Essai sur les sources de l'histoire concentrationnaire
nazie (1933-1945), puis sa thèse d'Etat,
Cet investissement constant, qu'accompagnent les débats autour des projections de Nuit et brouillard, la conduit à abandonner son autre sujet de prédilection, l'histoire des femmes au XVIIIe siècle, dont elle fut une des pionnières. Mais la thèse d'Olga Wormser
n'a pas l'accueil escompté. En affirmant, dans un développement
sur "le problème des chambres à gaz" (Le Système
concentrationnaire, pp. 541-544), que celles-ci n'avaient pas existé
"dans les camps de l'Ouest", à Ravensbrück et Mauthausen, elle
déclenche la colère de certains déportés, comme
Germaine Tillion. Les premiers négationnistes, Paul Rassinier par
exemple, tentent même d'utiliser ses travaux, mais l'historienne
les combat avec une extrême virulence. Olga Wormser-Migot a commis
une erreur : des chambres à gaz fonctionnèrent à Ravensbrück
et à Mauthausen. Cette vive polémique éclipse le travail
de l'historienne, dont la plupart des conclusions et des descriptions du
"système concentrationnaire" nazi seront reprises et approfondies,
par exemple par les ouvrages de Raul Hilberg. En ce sens, l'importance,
depuis une vingtaine d'années, des recherches sur le génocide
des juifs est largement redevable à l'énergie d'Olga Wormser-Migot.
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